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celui de populus, vous étendez trop loin le droit et l’intention des communes. » On revenait à cette discussion dans les groupes du Palais-Royal non pour rappeler que les observations, de Thouret, de Mounier et de Barnave avaient amené Sieyès à changer sa motion et à présenter le titre d’assemblée nationale, qui avait été définitivement adopté, mais pour faire de Thouret l’ennemi déclaré du tiers-état ou des communes. Le trait était habilement lancé, il porta. Thouret, craignant des désordres et voulant les prévenir, donna sa démission. « Sieyès avait eu 402 voix, Thouret 406, dit Bailly. Il y avait donc un combat à mort ; deux partis s’étaient entrechoqués, et le parti de Sieyès a fait tout ce bruit qui a engagé Thouret à refuser ; mais l’assemblée a fait justice en ne nommant pas l’abbé Sieyès. » Ce fut en effet Chapelier qui fut porté à la présidence. Il restait à Thouret et à ceux qui s’étaient groupés autour de lui une grande et difficile tâche à remplir, celle de défendre les communes parfois contre elles-mêmes, et de poursuivre cette œuvre avec une impassible volonté entre les deux partis extrêmes qui déjà troublaient les séances de l’assemblée. Il laissa donc passer l’orage, et c’est ainsi qu’il garda le silence dans la discussion que soulevait la déclaration des droits. Sieyès en fit autant.

Cette discussion, qui avait occupé treize séances, offrit ce caractère, que les orateurs étaient divisés bien plutôt sur la forme que sur le fond ; la tribune était constamment envahie, bien qu’il ne s’agît le plus souvent que de rendre plus énergique et plus claire la rédaction de chaque article portant la proclamation d’un droit. Le désaccord ne fut éclatant que sur la liberté des cultes ; il fit sortir de la poitrine de Mirabeau l’un de ses plus brillans discours. Dans la nomenclature qu’elle a dressée, l’assemblée aurait-elle omis des droits essentiels ? On le comprendrait sans peine ; mais on a prétendu qu’elle n’y avait point renfermé le droit de réunion, et, partant de là, on a soutenu que ce droit était au nombre de ceux qui sont abandonnés à la discrétion du pouvoir. L’objection serait grave alors qu’il s’agit de revendiquer le droit de réunion comme une des libertés nécessaires, et on n’y a point suffisamment répondu. L’oubli serait au moins surprenant, est-if réel ? Le droit de réunion était inscrit dans tous les projets, et celui du comité des cinq l’avait très catégoriquement désigné. Celui du sixième bureau, peut-être le plus abstrait de tous, ne mentionnait d’une manière spéciale ni le droit de réunion, ni la liberté de la presse. Il avait renfermé l’idée de ces deux droits dans cette formule complexe, mais un peu trop vague : « la libre communication des pensées étant un droit du citoyen, elle ne doit être restreinte qu’autant qu’elle nuit aux droits d’autrui. » En moins de mots, Lafayette avait mieux dit quand il avait mis au nombre des droits du citoyen