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« la communication de ses pensées par tous les moyens possibles. » Lorsqu’on en vint à la rédaction du sixième bureau, l’attention de l’assemblée ne se porta que sur la liberté de la presse, et l’on s’efforça de la dégager plus nettement de cet article. Barère insista en rappelant que c’était à cette liberté que le pays devait le bienfait de l’assemblée. « Consacrez donc, dit-il, la liberté de la presse, qui est une partie inséparable de la libre communication des pensées. » Robespierre s’exprima en termes semblables. « Il nous est impossible, reprit Rabaud de Saint-Étienne, de conserver un projet aussi vague, aussi insignifiant que celui du sixième bureau. » Alors M. de La Rochefoucauld proposa cette rédaction, qui répondait mieux à la préoccupation de l’assemblée : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux à l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre des abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi. « L’article de M. de La Rochefoucauld fut admis et celui du sixième bureau rejeté. Le droit de réunion n’a donc pas été exclu de la déclaration ; il est resté compris dans la première partie de l’article décrété, et la liberté de la presse n’est énoncée dans la seconde que comme une des conséquences de la libre communication des pensées et des opinions.

Ce point important de la déclaration fut bientôt commenté par l’assemblée elle-même de manière à lever tous les doutes. Lors de la révision, quand elle revint sur les droits pour les garantir, elle eut soin de placer à côté de la liberté de la presse « le droit de se réunir paisiblement et. sans armes, en satisfaisant aux lois de police. » Par là, le comité de révision dégageait le droit de réunion de son principe essentiel et le mettait dans tout son jour. — Soit, a-t-on dit encore ; mais alors les choses avaient marché, deux années s’étaient écoulées, le parti révolutionnaire avait fait une violente irruption dans l’assemblée : ce qu’on écrivait dans la constitution de 1791 est tout autre chose que ce qu’on avait exprimé dans la déclaration de 1789. — Cette explication n’est pas exacte : le comité de révision ne devait pas changer la déclaration, et le premier soin de Thouret avait été de le rappeler. « La déclaration des droits, disait-il, est en tête de notre travail telle qu’elle a été décrétée par l’assemblée, les comités n’ont pas cru qu’il leur fût permis d’y faire aucun changement ; » mais le comité pensa qu’il était de son devoir d’éclaircir les points de la déclaration qui avaient déjà soulevé des difficultés, et de ce nombre était le droit de réunion, que l’on présentait comme illimité, parce qu’il était resté compris dans la formule générale de « la libre communication des pensées, » sans qu’on eût ajouté pour ce droit, ce qui avait été fait pour la liberté