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grand ouvrage publié par M. Longet, Anatomie et physiologie du système nerveux de l’homme et des animaux vertébrés.

L’importance qui s’attache à cette conquête de la physiologie contemporaine a donné lieu à une controverse longuement agitée et qui est close à peine. M. Claude Bernard a énergiquement revendiqué pour son maître Magendie la gloire de cette découverte, longtemps attribuée à peu près exclusivement à un physiologiste anglais, Charles Bell, mort en 1842. Les titres de Charles Bell ne laissaient pas de paraître assez sérieux. Le premier en effet il avait institué des expériences sur les racines des nerfs rachidiens. Il en avait fait connaître le résultat dans un opuscule tiré à un très petit nombre d’exemplaires et distribué à ses amis seulement[1]. Plus tard, en 1821, il avait communiqué à la Société royale de Londres un nouveau mémoire sur l’arrangement des nerfs de la face. Ses différentes expériences avaient amené Bell à indiquer qu’il y avait des fonctions différentes pour les racines antérieures et les racines postérieures ; mais ce fait seul était exact dans ses assertions, et il s’était trompé quand il avait voulu déterminer la fonction spéciale de chaque ordre de racines. Il avait sur le rôle général du système encéphalique des idées préconçues, reconnues fausses aujourd’hui, et qui obscurcirent pour lui la vue des faits. Dans les idées de Bell, le cerveau proprement dit était à la fois le centre de la sensibilité et du mouvement, tandis que le cervelet présidait aux actions organiques, comme la circulation, la nutrition, les sécrétions. Partant de là, il admit que les racines antérieures étaient chargées de transmettre l’influence du cerveau et les racines postérieures l’influence du cervelet ; les premières étaient donc l’instrument mixte de la sensibilité et du mouvement, tandis que les secondes conduisaient l’influence vitale ou organique. La division introduite par Charles Bell était, on le voit, tout à fait illusoire : les phénomènes de sensibilité et de mouvement se trouvaient confondus dans la racine antérieure, tandis qu’une fonction chimérique était attribuée à la racine postérieure. Il y avait loin de cette vue à la détermination du véritable rôle des racines nerveuses. Cependant Bell avait à un certain moment presque touché la solution du problème : ses indications sur le mouvement étaient exactes ; mais il avait mal observé les phénomènes de sensibilité, et il avait conclu à contre-sens. Ses idées s’éclaircirent lorsque parurent en 1822 les mémorables expériences de Magendie dont nous parlions tout à l’heure. Bell n’eut pas de peine à les vérifier, et s’en servit pour rectifier ses propres conclusions. Il réclama dès lors un droit de priorité sur la découverte de la division des fonctions nerveuses.

  1. An idea of a new anatomy of the brain, Londres 1811.