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avec quelque précision les principales données que l’école expérimentale a récemment introduites dans la science. Dans ce cadre tout pratique, l’œuvre de M. Claude Bernard se mettra d’elle-même au rang qui lui appartient. Il ne s’agit point ici de faire un cours de physiologie, et nous n’aborderons que quelques sujets; nous ne pourrons même pas toujours les classer bien rigoureusement. Nous commencerons cependant par les indications qui sont relatives au système nerveux et au système sanguin ; nous terminerons par les phénomènes qui intéressent plus particulièrement le développement de l’être, nous voulons dire la nutrition et la génération.


I.

L’étude du système nerveux tient sans contredit la première place dans la physiologie moderne. Il y a un demi-siècle environ qu’on signala une différence fonctionnelle entre les racines antérieures et les racines postérieures des nerfs rachidiens. Ce fait fondamental, indiqué par Magendie, est devenu particulièrement fécond entre les mains de ses successeurs. Aussi est-ce par l’histoire de cette grande découverte que commence le rapport de M. Claude Bernard. Les fibres nerveuses sortent de la moelle épinière sous forme de deux racines distinctes qui se réunissent ensuite pour former un cordon unique. Cette division des racines a été fort heureuse pour la physiologie; sans elle, il eût sans doute été fort difficile d’apprendre qu’une des parties du cordon est chargée de transmettre aux centres nerveux les impressions périphériques, l’autre de porter aux muscles les excitations motrices. L’expérience de Magendie fut faite en 1822 sur des chiens. Il mit la moelle épinière à nu, et coupa d’abord les racines postérieures des nerfs rachidiens; il vit qu’alors la sensibilité se trouvait éteinte dans les parties où ces nerfs se ramifiaient. Il coupa sur d’autres sujets les racines antérieures des mêmes nerfs, et constata que le mouvement se trouvait alors aboli. Enfin il s’assura que la section simultanée des deux ordres de racines détruisait à la fois la sensibilité et le mouvement dans les parties du corps où les nerfs se rendaient. De l’ensemble de ces essais, Magendie conclut que les racines antérieures président au mouvement, les racines postérieures au sentiment. Cette donnée, acquise d’abord pour les nerfs rachidiens, fut généralisée plus tard, à l’étranger par les travaux de T. Müller, de Stilling, de Valentin, de Van Deen, en France par ceux de M. Longet, et ainsi se trouva introduite dans la science la distinction fondamentale des nerfs moteurs et des nerfs sensibles. Dès l’année 1842, cette distinction était systématiquement établie dans un