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c’est un point sur lequel M. Claude Bernard a spécialement insisté, qu’elle ne se fait pas aussi simplement que l’on est tout d’abord porté aie croire; elle n’est pas une simple absorption des alimens par les cellules organiques; elle n’est pas une pure combustion. Elle comporte des phénomènes essentiellement physiologiques, des créations organiques d’ordre tel que M. Claude Bernard est amené à considérer la nutrition comme une véritable génération. Nous aurons occasion de revenir sur ce point de vue; mais déjà nous avons rencontré tout à l’heure un de ces phénomènes qui donnent à la nutrition ou du moins à la préparation du sang, qui en est le premier degré, un caractère tout à fait original. Nous avons parlé de la sécrétion digestive, qui se fait dans l’intestin. Or voici dans quelles conditions se produit ce phénomène. Les alimens dissous par les sucs intestinaux forment un liquide générateur, un blastème, comme dit la langue technique, qui donne naissance sur la surface épithéliale de l’intestin à des cellules spéciales. Ces cellules naissent pour faire leur sécrétion et meurent dès qu’elle est accomplie; on les voit successivement se détacher de la surface épithéliale et se détruire pour faire place à d’autres cellules qui, nées dans les couches plus profondes, émergent et disparaissent à leur tour.

Si la nutrition comporte des phénomènes physiologiques d’une telle complexité, si elle ne peut être réduite à des conditions purement physiques ou chimiques, que faut-il penser des travaux qui ont été institués en France par MM. Dumas et Boussingault, en Allemagne par M. Liebig, pour apprécier les matériaux nutritifs des organismes vivans? Ces savans ont établi une sorte de bilan de la nutrition chez les animaux et les végétaux, et posé, pour ainsi dire, l’équation générale des fonctions nutritives. Devrons-nous regarder comme entachés d’erreur les résultats précis auxquels ils sont arrivés? Le premier de ces résultats est que les organismes empruntent poids pour poids aux substances alimentaires les matériaux qu’ils s’assimilent ou qu’ils rejettent, de telle sorte que dans l’échange perpétuel qui se fait entre le règne minéral et le règne organique on peut dire que rien ne se perd ni ne se crée. Cette proposition demeure certaine et placée au-dessus de toute controverse, si on considère seulement le décompte chimique des entrées et des sorties dans les êtres vivans. Le caractère des créations organiques dont ils sont incessamment le siège est de n’altérer en rien ce décompte. On conçoit seulement qu’il faille, pour arriver à des conclusions légitimes, considérer des périodes de temps assez considérables et embrassant les combinaisons à longue échéance où peuvent s’engager quelques-uns des matériaux qui traversent l’or-