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demander si le physiologiste peut étendre son action sur le développement embryonnaire. Peut-on opérer des changemens dans les organismes en agissant directement sur les œufs, en prenant la matière organisée à l’état naissant et en en modifiant la tendance évolutive au moment où elle se manifeste? On doit croire en effet, et c’est là une des opinions sur lesquelles M. Claude Bernard revient avec le plus d’insistance, qu’en modifiant les milieux intérieurs où se nourrissent les organismes naissans on pourra changer dans une certaine mesure la direction de leur mouvement évolutif, créer de véritables espèces ou tout au moins des variétés animales. Jusqu’ici les actions modificatrices n’ont guère porté que sur des êtres adultes, et n’ont consisté qu’à fixer par une sélection artificielle des caractères que l’hérédité mettait en relief. Quant à agir sur le germe même, à en modifier scientifiquement les conditions d’existence, la physiologie n’a, pour ainsi dire, pas encore institué d’études à cet égard. M. Dareste, reprenant des essais commencés par Geoffroy Saint-Hilaire, a expérimenté sur des œufs de poule en les vernissant, et a déterminé ainsi diverses anomalies ou monstruosités; mais ce sont plutôt des maladies de l’embryon que des actions réellement modificatrices. Plus récemment encore, M. Naudin a montré sur les végétaux que des anomalies natives, qu’on avait regardées comme.ne pouvant être fixées qu’à la suite d’un temps très long, pouvaient au contraire être provoquées artificiellement et se transmettre tout de suite par hérédité de façon à constituer de véritables espèces. Ce sont là comme les premiers jalons d’une route encore inexplorée.

Pour compléter cette revue rapide des élémens qui constituent les corps vivans, il nous reste à dire quelques mots de certaines classes de tissus que nous n’avons point encore mentionnées. Les élémens anatomiques dont il a été parlé jusqu’ici, les muscles, les nerfs, les glandes, les élémens du sang, sont les parties actives de l’organisme; mais les différens appareils qui servent aux mécanismes vitaux sont formés de ces parties actives enchâssées dans une espèce de gangue commune, le tissu cellulaire; ils comportent d’ailleurs d’autres tissus qui jouent également un rôle passif, comme ceux qui constituent les parties élastiques des fibres, les cartilages, les os. Les propriétés de ces divers élémens sont pour ainsi dire moins spécialisées que celles des élémens actifs. Ils ont une certaine facilité à se régénérer quand ils sont transplantés et à se transformer les uns dans les autres. C’est ainsi que des expériences récentes dont le retentissement a été considérable ont montré que le périoste transplanté dans le tissu cellulaire sous-cutané peut s’y greffer et y continuer son évolution osseuse. Les