Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tissus fibreux, élastiques, cartilagineux, osseux, forment une classe de tissus inférieurs qui peuvent être considérés comme dérivés tous du tissu cellulaire. Quant à celui-ci, qui est ainsi ramené à être comme le type de tous les autres, son élément histologique spécial est la cellule plasmatique. Cette cellule n’est pas ronde, elle a la forme d’une étoile, et les extrémités radiaires des différentes cellules communiquent entre elles de manière à s’enchevêtrer et à former un réseau complet. Les noyaux sont en état de régénération ou de prolifération incessante, et ces cellules sécrètent ainsi les matières qui remplissent les espaces intercellulaires comme une sorte de ciment ou de mortier. Nous retrouvons donc dans ce mode qui renouvelle les tissus passifs le procédé sécrétoire que nous avons constaté dans les autres parties de l’organisme. Une sorte d’unité apparaît ainsi dans les actions qui entretiennent la vie. Tous les tissus et tous les liquides de l’économie peuvent être considérés comme des produits de sécrétion des cellules vitales en voie de régénération constante. Tantôt le produit sécrétoire, demi-fluide, reste dans la cellule même ou dans la fibre; il y accomplit son rôle actif: c’est le cas des matières nerveuses et musculaires; tantôt le produit cellulaire se liquéfie, sort de la cellule, et va remplir au dehors ces diverses fonctions dont nous avons vu des exemples dans les sécrétions proprement dites; tantôt enfin, comme nous venons de le voir, le produit sécrétoire s’étale entre les cellules et y forme des composés plus ou moins durs qui jouent leur rôle dans la texture ou dans la charpente du corps. À ce point de vue, le développement de l’être adulte se fait par les mêmes procédés que le développement embryonnaire. Un même ensemble de lois organisatrices régit les phénomènes dans l’œuf, dans l’embryon, dans l’être vivant, entretient par la nutrition et renouvelle d’une manière incessante les propriétés des élémens actifs et passifs de la machine vivante. Dans cet ensemble apparaît, comme le point culminant, une sorte de loi organotrophique qui trace le plan de l’être et en règle l’évolution. Cette loi, les physiologistes se sont bornés jusqu’ici à l’observer, et on peut dire qu’ils n’ont pas encore essayé de se donner prise sur elle par l’expérimentation. C’est sur ce point que M. Claude Bernard appelle avec énergie les efforts de la science. Agir sur les milieux pour atteindre par là la nutrition et diriger ainsi les phénomènes évolutifs, telle est la méthode qu’il trace avec l’autorité qui s’attache à ses travaux.


EDGAR SAVENEY.