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planter en bois, entre Salisbury et la mer, un espace de 30 milles qui prit le nom de New-Forest. Son fils prescrivit les peines les plus sévères contre les braconniers, et mérita d’être appelé le berger des bêtes fauves.

En France, pour chasser à leur aise, les seigneurs multipliaient les garennes, c’est-à-dire les espaces dans lesquels ils laissaient le gibier se multiplier au grand préjudice des récoltes. Ces garennes étaient sévèrement gardées par des forestiers héréditaires qui tenaient leurs offices en fief et exerçaient leurs fonctions avec une extrême rudesse ; aussi arriva-t-il souvent que les malheureux paysans furent forcés d’émigrer et d’abandonner aux seigneurs des terres devenues improductives. Les garennes des seigneurs étaient respectées par leurs voisins, même par les rois, qui ne sortaient pas de leurs propres limites, sinon pour courre le cerf, qui était gibier royal. Quant aux non-nobles et vilains, jusqu’au XIVe siècle ils eurent la faculté de chasser hors des garennes, avec chiens et bâtons, les lièvres et les connins (lapins). Plus tard, Charles VI leur retira cette faculté ; mais cette interdiction ne fut jamais absolue, et les bourgeois d’un grand nombre de communes conservèrent le droit de chasse, qu’ils possédaient en vertu de privilèges immémoriaux ou de concessions spéciales plus récentes. Ces permissions étaient généralement accordées moyennant la réserve d’une portion des bêtes tuées, ce qui se comprend d’ailleurs à une époque où les ressources alimentaires étaient assez peu abondantes.

Charles VI institua les charges de grand-veneur et de grand-fauconnier, et rendit plusieurs ordonnances pour défendre à ses équipages de se faire héberger ailleurs que dans les hôtelleries. Ils se composaient de 1 maître veneur, 6 veneurs, 2 aides, 1 clerc, 10 pages et 11 valets de chiens et lévriers, de 92 chiens pour le cerf, de 8 limiers, 30 lévriers, 90 chiens courans, enfin de 8 limiers et 24 chiens de sanglier. Le tout lui coûtait annuellement 3,000 livres tournois. Sous son règne parut un curieux traité de vénerie, intitulé le Roy Modus et la royne Ratio, dans lequel toutes les chasses connues sont passées en revue avec beaucoup de netteté et de connaissances pratiques. C’est également sous Charles VI que parut le Traité de Gaston Phœbus, comte de Foix, la plus grande illustration cynégétique du moyen âge. Ce livre est divisé en quatre parties : la première contient la description des différentes espèces de gibier, la seconde traite des chiens, de leurs diverses races, de leur éducation et de leur hygiène, la troisième énumère les conditions qui font un bon veneur ; enfin la quatrième indique les différentes manières de chasser les quadrupèdes, à courre, à tir et aux pièges.