Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le cœur du peuple. S’il brûla les châteaux, s’il en massacra les habitans, il est assez difficile de ne pas excuser son crime en songeant à ce qu’il avait souffert. Que les rois aient par des concessions de privilèges récompensé la noblesse qui les avait faits ce qu’ils étaient, rien de mieux, c’était leur droit ; mais le peuple, qu’est-ce qu’il lui devait ? en quoi était-il intéressé aux luttes qu’elle soutint en faveur de la monarchie ? Pour lui, les nobles n’étaient que des oppresseurs envers lesquels il ne s’est cru obligé à aucun ménagement quant à son tour il a été le maître.

Avec la révolution surgit un principe nouveau : la loi du 30 avril 1790 déclara que chacun aurait la liberté de chasser chez lui, en ne mettant à ce droit d’autre restriction que celle de s’en abstenir pendant que les terres étaient encore couvertes de leurs fruits. Sous l’empire, par mesure fiscale, on institua le permis de port d’armes, dont le prix, d’abord de 30 francs, fut ensuite réduit à 15 francs ; mais les chasseurs n’étaient pas satisfaits, et ne cessaient de se plaindre du peu de protection que cette loi accordait au gibier. Sur leurs instances, on vota en 1844 la loi qui nous régit encore aujourd’hui, et d’après laquelle toute chasse est formellement prohibée, à l’exception de celles à tir, à courre et à l’aide de furets pour les lapins. Les propriétaires ont le droit de chasser chez eux d’une de ces manières, mais de jour et pendant une partie de l’année seulement, après s’être fait délivrer un permis dont le prix est de 25 francs. La mise en vente, l’achat, le transport du gibier sont défendus pendant le temps de la fermeture de la chasse ; les porteurs ou détenteurs d’engins prohibés sont assimilés à ceux qui en font usage. La loi relève dix-huit espèces de délits de chasse et les punit de peines qui varient de 16 à 400 francs d’amende, qui dans certains cas vont jusqu’à l’emprisonnement.


II.

On distingue deux espèces de chasse, la chasse à courre et la chasse à tir. La première a pour objet de poursuivre à cheval avec une meute de chiens et de tuer, après l’avoir forcé à la course, un animal qu’on a préalablement détourné. Bien loin de chercher à prendre plusieurs pièces, le talent des veneurs consiste au contraire à éviter les changes et à maintenir la meute dans la voie primitive. Dans la chasse à tir au contraire, on tue le gibier dès qu’on le voit, soit qu’il ait été levé par des chiens, soit qu’au moyen de rabatteurs on l’ait poussé en masse vers les chasseurs. Le gibier tué de cette façon est destiné à la table, tandis que dans la chasse à courre l’animal, exténué de fatigue, ne donne qu’un aliment de qualité mé-