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un jour l’esquisse fidèle de la vie moderne; mais elle y ajoute une pensée plus touchante, celle du bonheur domestique. Ce qu’était Balmoral quand elle le vit pour la première fois, elle nous l’apprend elle-même, un petit château dans le vieux style écossais, une tour pittoresque et un jardin avec un bois sur le devant; mais une forêt couvre la pente par derrière, et descend jusqu’à la rivière de la Dee, et d’admirables montagnes s’élèvent tout autour. On pourra faire du petit château une grande résidence appropriée aux besoins de la famille. Quant au bonheur domestique, il est tout trouvé dans ce coin solitaire.

De 1848 à 1860, Balmoral et les environs suffisent aux plaisirs du ménage royal. Les époux visitent successivement les paysages alpestres au centre desquels ils sont venus cacher leur vie intime. On les voit allant et venant autour de leur château et de leur parc, ici disposant les offices et la cour de service, là plantant un jardin, dressant des massifs de fleurs; ailleurs ils surveillent les artistes chargés d’orner les murs de la nouvelle résidence. On les suit à la trace dans leurs promenades. Tout est marqué avec la plus grande précision, l’heure du départ, de l’arrivée, le nombre de milles parcourus, les routes qu’on a suivies, en quel endroit on a mangé le goûter, luncheon, si dans les courses plus longues on a pu trouver, grâce à une hospitalité improvisée, le thé et les gâteaux qui permettront d’attendre un dîner plus tardif. Aucun détail de famille ne paraît trop petit. Ce n’est pas seulement la relation des chasses heureuses ou malheureuses du prince Albert, ni le nombre des cerfs qu’il a pu abattre, quelquefois même avec le croquis des plus belles pièces de gibier, car la reine dessine avec facilité; mais c’est la mention des enfans royaux qui sont de la partie, de ceux qui restent à la maison, vu leur âge, et qu’on y laisse le cœur gros de part et d’autre. Les enfans ont-ils marché bravement, ont-ils eu bonne mine sur leurs poneys, l’aimable Vicky, Victoria, aujourd’hui princesse royale de Prusse, a-t-elle été piquée par une guêpe, rien n’est oublié. Ce qui étonnera peut-être, et ce qui nous plaît le plus dans cette exactitude, c’est le soin minutieux de consacrer une notice à tous ceux qui ont servi la reine ou son époux. Aucun bon office qu’on lui rend, même quand il a été payé, ne semble à la reine une chose due. En un mot, c’est le journal fidèle d’une femme aimante, d’une mère dévouée, et d’une bonne maîtresse de maison. On y trouve jusqu’aux leçons qu’elle donne à ses enfans, et la mère devient souvent institutrice. On y lit avec plaisir les préliminaires des mariages qui se font dans la famille, les entrevues, les visites, les occasions où les prétendus se sont déclarés. Un détail plus charmant encore est le compliment de condoléance d’une bonne