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périence. Le mécanisme universel était une théorie prématurée, en supposant qu’elle fût vraie. L’analyse des faits devait montrer des séries de phénomènes irréductibles les uns aux autres, et à chacune de ces séries correspondait une cause inconnue; mais, tandis que le moyen âge croyait expliquer les faits en imaginant de telles causes, le XVIIIe siècle, animé de la vraie méthode scientifique, se contentait de constater, d’analyser, de mesurer les phénomènes, et ne voyait dans les qualités occultes que des noms abstraits par lesquels on représentait provisoirement les causes inexpliquées. Quoi qu’il en soit, il est certain que ce qui a dominé au XVIIIe siècle, c’est le principe de la diversité des causes et des agens, tandis qu’au XVIIe c’était l’unité. C’est ainsi que Newton découvrait les lois de l’attraction, irréductibles à celles de l’impulsion, Lavoisier et Berthollet les lois des affinités chimiques, irréductibles à celles de l’attraction ordinaire, Haller les lois de l’irritabilité, irréductibles aux lois physico-chimiques; c’est ainsi que lumière, chaleur, électricité, magnétisme, formaient dans la physique autant de chapitres distincts et séparés; c’est ainsi que, dans un autre ordre d’idées, Cuvier établissait quatre types irréductibles d’animaux, et que dans la géologie il supposait, comme Buffon, des révolutions radicales, qui à plusieurs reprises avaient changé subitement, et comme par des coups de théâtre, l’aspect de la nature aussi bien que celui de ses habitans.

Si depuis Descartes jusqu’à Ampère la science a toujours avancé en multipliant les causes et les agens, ce qui devait être le premier résultat de la méthode expérimentale, on peut dire que depuis Ampère il s’est produit un mouvement en sens inverse et un retour à l’hypothèse cartésienne, mais avec des moyens d’investigation et de vérification bien autrement puissans et exacts que ceux de Descartes. Cela explique que ce qui n’était chez celui-ci qu’une hypothèse arbitraire peut être entrevu par quelques-uns comme le terme possible, tout au moins l’idéal de la science positive.

Sans anticiper sur les démonstrations réservées à l’avenir, on peut affirmer dès à présent que deux idées fondamentales se dégagent de la physique actuelle. La première, c’est la réduction des agens physiques au plus petit nombre possible; la seconde, c’est la réduction de ces mêmes causes au phénomène général du mouvement. A la première de ces tendances se rapportent les découvertes d’Ampère et de Faraday, qui ont fondé l’électro-magnétisme et assimilé deux agens considérés jusque-là comme deux fluides distincts, l’électricité et le magnétisme ; les découvertes de Melloni, de MM. Fizeaux et Foucault, qui paraissent avoir établi l’identité essentielle de la lumière et de la chaleur; — à la seconde de ces tendances se rapportent les travaux de Fresnel sur la lumière, travaux qui ont définitivement donné raison à la théorie des ondulations sur la théorie de l’émission, et en second lieu les travaux de MM. Mayer et Joule, qui ont démontré l’équivalence de la chaleur et du mouvement,