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LA
THEOLOGIE CATHOLIQUE
EN FRANCE

Le christianisme eut deux choses à faire dans les premiers siècles de son histoire, développer son dogme et le défendre. De là l’œuvre double de ses docteurs, l’exégèse et l’apologie. Quelque remarquable qu’ait été l’exégèse des grands théologiens des deux églises et particulièrement de l’église d’Orient, on ne saurait voir une œuvre de science et de critique proprement dite dans cette érudition mise au service d’une doctrine arrêtée, dans cette haute métaphysique plus ou moins conforme à la lettre des textes. Ni saint Clément d’Alexandrie, ni Origène, ni saint Jérôme, ni saint Augustin, ne sont des esprits libres, si large et si élevée que soit leur interprétation des textes et leur intelligence de la doctrine traditionnelle; ils cherchent dans les Écritures non pas la pensée exacte qui s’y trouve réellement exprimée, mais la doctrine ou le dogme que leur foi a besoin d’y voir : la parole sainte est plutôt la contre-épreuve que la source même de la doctrine. Aussi ont-ils tous soin de déclarer que les Écritures ne livrent leur secret qu’à ceux que l’Esprit-Saint a pénétrés de son inspiration. Avec une pareille méthode, l’exégèse des théologiens de la primitive église ne pouvait être vraiment scientifique, si savante qu’elle fût d’ailleurs. C’est ce qui fait que ni Philon ni les pères alexandrins qui suivirent son exemple n’ont créé une véritable science religieuse. Quant aux docteurs de l’école apologétique, comme Tertullien, Lactance et d’autres, c’était surtout la philosophie, la morale, l’éloquence, qui faisaient les frais de leur ardente et parfois violente dialectique. Les récriminations, les anathèmes contre les