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dieux, les hommes et les choses du polythéisme y avaient encore plus de part que la défense des doctrines et la glorification des vertus de la nouvelle société. En tout cas, rien ne ressemble moins à une polémique d’érudits et de savans que cette bruyante mêlée où la théologie chrétienne et la sagesse païenne se disputaient l’empire du monde, où les Origène, les Tertullien, les Cyrille, rencontraient pour adversaires les Celse, les Porphyre et les Julien, où l’ardeur de la lutte, l’intérêt de la victoire, la passion de la foi ou de la haine, ne laissaient pas plus de liberté à la pensée que de mesure à l’expression.

Après la longue et silencieuse discipline du moyen âge, lorsque la réforme vint replacer les consciences chrétiennes devant les livres mêmes de la parole divine dont l’église s’était réservé l’interprétation, il fallut bien que la théologie secouât la poussière des écoles pour se produire au grand jour de la publicité à ses risques et périls, comme elle l’avait fait dans les premiers siècles de l’église. En vain toute la Sorbonne en émoi puisa dans les trésors de la scolastique pour combattre l’hérésie nouvelle; de pareilles armes ne convenaient plus à une époque de renaissance philosophique et littéraire. D’ailleurs cette encyclopédie si forte et si profonde de la philosophie scolastique qui se nomme la Somme de saint Thomas n’était plus de service dans un débat où les adversaires en appelaient à la parole de Dieu lui-même, infirmant toute autorité humaine, qu’elle vînt de l’église ou des écoles de théologie. C’est alors qu’on vit aux prises non-seulement les plus grands docteurs des deux églises, mais aussi les protestans et les catholiques entre eux, Bossuet, Arnaud, Claude, Jurieu, Fénelon. La mêlée fut générale, et les grands jours de la théologie revinrent, non de cette théologie asservie aux autorités et se traînant dans les subtilités d’une pénible argumentation, comme on l’avait vu au moyen âge, mais de cette doctrine que venaient éclairer les rayons d’une philosophie dont l’origine remontait à Platon, et qui avait déjà inspiré la théologie des pères de l’église. Il sortit de là de beaux ou de savans livres, comme l’Histoire des variations de l’église réformée, comme les doctes controverses de Claude et de Jurieu, comme l’admirable discussion sur le quiétisme de l’évêque de Meaux et de l’archevêque de Cambrai; mais faut-il y voir autre chose encore qu’une polémique merveilleuse où le génie et le savoir, où l’érudition et l’éloquence font assaut? Faut-il y voir une œuvre qui ressemble à la science et à la critique? Il suffit d’avoir une idée de ces deux choses par l’exemple des études qui en portent le nom pour ne pas conserver de doute là-dessus. Tous ces théologiens sont fort savans sur les matières dont ils traitent, ils sont très familiers avec les textes, et se montrent vraiment ha-