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c’est une flamme qui ne se rallume guère dans un esprit familier avec les méthodes de la critique.

Nous n’avons point ici à juger les conclusions de ces écoles de science religieuse dont aucun siècle avant le nôtre n’avait offert le type; nous nous bornons à constater qu’elles créent une situation nouvelle et sans analogie avec le passé à la théologie orthodoxe, qui a la mission de maintenir intacte et de défendre la foi des croyans contre cet ennemi d’une espèce toute particulière. Ce qui fait surtout la gravité de cette situation, c’est qu’au lieu de trouver devant soi une doctrine et une polémique, la théologie rencontre une science et une critique véritables. Ce n’est plus une simple explication du christianisme faite dans un intérêt d’école ou de secte, c’est la philosophie des religions elle-même, qui des études religieuses spéciales remonte aux principes de toute institution de ce genre, et aspire à dominer toute controverse par la hauteur et l’impartialité d’une science vraiment désintéressée. Comment la théologie catholique a-t-elle fait face à une telle difficulté ? A-t-elle réellement suivi cette école toute scientifique et toute critique sur le terrain des textes, des mythes et des symboles? A-t-elle essayé de lui prouver qu’elle a contre elle l’autorité des textes et l’expérience de l’histoire? Enfin a-t-elle fait peau neuve elle-même devant cette transformation de l’exégèse qui semble un des plus grands progrès de la pensée moderne ? Voilà ce qu’il s’agit de montrer dans la suite de ce travail.


I.

Soutenir que la critique religieuse poursuit sans contradiction le cours de ses études et de ses conquêtes serait oublier l’histoire de notre temps. La théologie chrétienne, la théologie catholique surtout, a dès le début de ce siècle relevé le défi porté à son exégèse un peu vieillie au nom de la science nouvelle. On sait avec quelle force, quel éclat, quelle supériorité de talent, le drapeau de la tradition, qui n’avait guère trouvé au dernier siècle que des défenseurs obscurs et impuissans, a été maintenu par les premiers écrivains de la renaissance religieuse, les Chateaubriand, les Lamennais, les Bonald, les de Maistre, contre les sarcasmes et le vulgaire bon sens des encyclopédistes. La lutte a continué depuis avec d’autres noms et d’autres armes. La critique scientifique et historique a rencontré des adversaires d’un esprit moins puissant, d’un talent moins éclatant, mais d’une érudition plus forte et plus exacte, en ce qui touche aux textes des livres bibliques et aux faits de l’histoire religieuse. Il est certain que l’esprit historique et critique, qui est le véritable esprit du siècle, a gagné toutes les écoles.