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essentiels. Nos théologiens ont-ils essayé de répondre en savans à une œuvre de science, de rétablir l’autorité des textes partout où elle semblait ébranlée? Nullement. Ils ont préféré montrer leur talent d’écrivains, ou leur éloquence d’orateurs, ou même encore leurs prétentions de métaphysiciens, à faire ressortir soit les méthodes pédantesques, soit les conclusions négatives de l’éminent docteur. Surtout ils ont trouvé sa critique lourde, sèche, ennuyeuse, et, comme elle ne risquait pas de devenir populaire dans le pays classique du bel esprit et du beau langage, ils lui ont abandonné le champ de la science, se réservant les foules des cathédrales ou le monde de certains salons. Strauss a fait une seconde Vie de Jésus, vrai chef-d’œuvre de la critique moderne, où, substituant cette fois la synthèse à l’analyse, il a entrepris de reconstituer la réalité historique que sa première méthode avait semblé vouloir réduire en poussière ; il a rendu aux mythes leur véritable origine en expliquant comment ils sont les produits des sentimens, des passions, des imaginations mystiques ou populaires. Nous ne connaissons pas de réponse catégorique à cette analyse si savante et si profonde. N’est-il pas en effet bien plus habile d’ensevelir de pareils livres dans l’ombre et le silence?

Après le théologien allemand vient le philosophe français, M. Patrice Larroque, qui reprend la guerre du siècle dernier contre la théologie chrétienne au nom des textes et aussi au nom de la raison et de la conscience humaines. Ici l’attaque est vive, directe; le langage est net et le ton peu conciliant. Va-t-on répondre, comme l’auteur des Variations avec des textes, ou comme Fénelon et Malebranche avec des commentaires de haute philosophie religieuse, ou comme Pascal avec un superbe mépris pour la conscience et la raison humaines? Point du tout. Sur ce livre sévère, l’école théologique a jugé prudent de n’engager aucune espèce de polémique. Même silence à l’égard du livre de M. Bouteville sur la Morale naturelle et la morale de l’église. Et pourtant l’attaque n’était ni moins vive ni moins radicale. C’est sur les questions les plus vitales de la morale théologique que l’auteur avait porté le débat. Il n’est pas un des lecteurs de ce livre plein de science et de lumière qui puisse conserver un doute sur la gravité et la portée d’une pareille critique. Point de raillerie ni de sarcasmes comme au siècle de Voltaire; des textes, des démonstrations. Nulle réponse. Nous nous trompons : profitant habilement, comme toujours, d’une profession de foi antimétaphysique, les avocats de la morale théologique ont accablé le livre et l’auteur sous l’injurieuse épithète d’athée. Et cette autre Vie de Jésus de M. Peyrat, œuvre faite avec l’esprit d’un autre siècle, mais avec la science de notre temps, quel docteur a songé à lui répondre? Pourtant tous les faits qui servent de base à