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honneur, non-seulement à l’église de France, mais encore à la littérature et à la science de notre pays. Il suffit de citer l’abbé de Ravignan, le père Lacordaire, l’évêque d’Orléans, l’évêque de Poitiers, l’archevêque de Paris, l’abbé Bautain, le père Gratry, le père Perraud, l’abbé Maret, l’abbé Frère, l’abbé Freppel, l’abbé Peyreyve, le père Hyacinthe, le père Félix, pour se faire une idée de l’imposante élite qui défend de notre temps la foi catholique par la parole et par la plume. Si l’on ne voyait que le talent et le succès, on pourrait se croire revenu aux beaux jours de la théologie chrétienne, au siècle des Arnaud, des Bossuet, des Fénelon, des Jurieu, des Claude.

Les théologiens protestans, dont la foi est surtout fondée sur la Bible, suivent encore assez volontiers leurs adversaires sur le terrain des textes, sentant fort bien d’ailleurs que ce terrain leur est sinon plus familier, du moins plus facile qu’aux théologiens catholiques, qui ont à chercher dans l’Ancien et le Nouveau-Testament tant de choses qui ne s’y trouvent pas, entre autres le symbole de Nicée et l’institution tout historique de la papauté. S’ils parlent plus de la morale évangélique que de la théologie alexandrine, s’ils invoquent plutôt l’esprit que la lettre des textes, s’ils s’inspirent plutôt du sentiment que du dogme, c’est encore moins pour obéir à la nécessité des temps nouveaux que pour rester fidèles aux principes mêmes de la réforme. Chez nos théologiens catholiques, la rigueur de la tradition exige qu’aucune partie du dogme consacré par l’autorité de l’église ne soit abandonnée; dans ce dogme, rien n’est resté vague ni incertain, parce que rien n’a jamais été laissé à l’interprétation de la raison individuelle. Comment conserver le dogme dans son absolue intégrité, tout en tenant compte des convenances du siècle et des difficultés créées aux apologistes chrétiens par la science et la critique modernes? C’est ce que tous les docteurs catholiques de notre temps ont fort bien compris dans la polémique engagée pour la défense de la foi : on s’en convaincra en lisant les œuvres de quelques-uns des plus éminens.

L’archevêque de Paris aurait le talent de faire des livres, s’il en avait le temps et la volonté. Il se borne à faire de beaux mandemens où il parle philosophie, morale, même politique, à la grande satisfaction des catholiques amis du progrès, des philosophes éclectiques, des partisans de la démocratie césarienne. Chose curieuse, il n’y a que la cour de Rome et les libres penseurs qui ne goûtent pas ces homélies de conciliation, ceux-ci parce qu’ils en font les frais malgré l’incontestable modération du langage, celle-là sans doute parce qu’elle veut être défendue avec plus d’ardeur et d’énergie. M. Darboy est un esprit très élevé et très cultivé qui serait au besoin à la hauteur de toutes les discussions théologiques