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coursier, — je te prendrai — par ta blonde chevelure, — je t’attacherai — à mon agile coursier, — je t’emmènerai comme esclave. — La samovila entra en fureur, — elle dénoua sa blonde chevelure, — elle éperonna le coursier ailé — pour lui sucer les yeux noirs. » Popov, irrité, met ses menaces à exécution; «il la porta jusqu’à la maison. — De loin, il cria à sa mère : — Eh! sors, ma mère, — je t’amène l’épouse, — une samovila! » Les alliances entre des êtres qui diffèrent tellement ne sauraient réussir. La samovila profite du baptême de son fils pour se jouer de la « commère honorée, » du mari et de la belle-mère. Elle s’enfuit, et parvient à emporter l’enfant dans une de ces retraites inaccessibles où ces nymphes bravent la colère des humains.

L’amour peut autant que la force rapprocher de notre espèce le monde primitif. Dieux, titans, fées, sont exposés aux faiblesses qui, selon la Genèse, portèrent les fils de Dieu à admirer la beauté des filles des hommes. Dans toutes les légendes, on trouve l’expression de cette pensée que la lutte acharnée des forces qui se disputent le monde ne doit pas nous empêcher d’apercevoir les liens cachés, mais solides, qui rattachent les diverses parties de la création pour en former une unité indivisible. Si l’amour n’est pas ici créateur comme dans Hésiode, il est du moins le principe d’harmonie qui met fin aux plus violentes discordes. Pourtant le caractère de la samovila est tellement intraitable qu’il reparaît au moment même où la passion semble l’avoir le mieux dompté. Angelina aperçoit son frère reposant sur le sein d’une samovila qui lui lisse les cheveux. Plus épouvantée que le chevalier de la Jérusalem délivrée qui voit Renaud captif d’une séduisante magicienne, Angelina somme la « maudite samovila » de lui rendre son frère. « Alors la samovila s’irrita grandement. — Elle l’enleva en l’air jusqu’à Dieu, le très haut, — et le mit en petits morceaux, — dont le plus grand pouvait être porté par une fourmi. »

Les samovilas, qui vivent ensemble comme les vilas, n’en ont pas toujours pour cela un meilleur caractère. Dona meurt pour avoir eu l’imprudence de se reposer à l’ombre d’un arbre touffu qui sert de demeure à sept samovilas. Une des trois cents samovilas qui dansent le kolo (oro en bulgare) sur la montagne, Giorgina, envoyée à Bitolia pour chercher Dimo, commence par le battre si cruellement avec ses ailes formidables qu’elle fait sauter les dents de leurs alvéoles et les yeux de leurs orbites. Cependant les samovilas ont leurs jours de bonne humeur. Dimo, si cruellement battu, ayant contenté les samovilas par sa musique, reçoit en cadeau Giorgina, « fille par excellence. » Giorgina, comme l’épouse de Popov, s’échappe à l’aide de la ruse au moment du baptême de son fils. Les Bulgares ont une si grande idée de la « fraternité d’adoption » qu’ils la croient