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les Tartares. Plus sauvages que les Ottomans, ces Finno-Mongols lui donnent des habitudes si farouches que, revenu dans son village trois ans après avec ses compagnons d’armes, il se montre aussi impitoyable qu’eux. Les habitans avaient cherché un refuge dans les tombeaux. Ils y furent découverts par les barbares, qui se partagèrent les tombes et leurs tristes hôtes. Le Bulgare trouve dans les trois tombeaux qu’il fouille un jeune homme, une jeune femme et une jeune fille. Malgré leurs prières, il les tue sans pitié. Or le jeune homme et la jeune femme étaient son frère et sa belle-sœur, et la jeune fille était sa sœur. La maladie cruelle que le juge suprême lui inflige exprime bien l’horreur du poète pour la conduite de ces apostats ; mais l’histoire prouve que trop souvent du sang de ces populations infortunées naissent leurs ennemis les plus dangereux et leurs plus implacables bourreaux, comme ce Baltaogli qui commanda devant Constantinople la flotte de Mahomet II.

Il est naturel qu’on invoque les haïdouks pour se soustraire à de pareils traitemens. Beaucoup moins belliqueux que les Serbes, les Bulgares n’attachent pas la même importance aux haïdouks. Toutefois dans la Bulgarie centrale « les héros des monts, » ainsi que les nomme un chant, ont plus d’une fois donné de sérieuses inquiétudes aux dominateurs étrangers. Aussi la nature entière s’intéresse-t-elle au sort de ces proscrits, comme si leur terre natale voulait montrer l’envie qu’elle a de repousser des maîtres détestés.


« Le bois éclate en gémissemens, — le bois et la montagne, — et dans le bois les arbres, — et sur les arbres les rameaux, — et sur les rameaux les feuilles, — à cause du voïvoda Indza. — Où est Indza ? qu’il vienne — avec cinq cents jeunes guerriers, — afin de réjouir le bois. — Quand Indza entendit, — il s’arrêta, il se fit entendre, il cria : — Kolia, porte-enseigne, — déploie, ô Kolia, les drapeaux, — rassemble, ô Kolia, les guerriers, — afin de réjouir le bois, — le bois et la montagne, — et dans le bois les arbres, — et sur les arbres les rameaux, — et sur les rameaux les feuilles. — Il parlait aussi au bois : — O bois, bois verdoyant, — as-tu de l’eau fraîche ? — as-tu de l’ombre épaisse ? — Le bois répondait à Indza : — Viens, ô haïdouk Indza, — et je te préparerai cent ombrages, — je te ferai jaillir cent sources — spécialement pour loi, capitaine, — et pour le repos de tes soldats. »


Même dans les luttes entre les Ottomans et les haïdouks, le caractère national ne disparaît pas complètement, et l’humeur pacifique reprend aisément le dessus quand la bataille est terminée. Le chrétien vainqueur se montre dans un chant animé d’un esprit tellement évangélique qu’il implore le même pardon et pour l’Ottoman qui n’a rien épargné et pour le Bulgare qui n’a fait que dé-