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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/380

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il n’y a pas un homme aux États-Unis aussi parfaitement détesté dans mon district que vous ne l’êtes. Il faut donc m’excuser. Par Dieu! il faut que je vous injurie ou je ne serai jamais réélu; mais je veux agir avec douceur. Je ne veux pas faire comme cet imbécile de Clay et frapper assez fort pour me faire du mal à moi-même. » M. Quincy n’avait que quarante et un ans quand il se retira, en 1813, de la vie publique, après huit années laborieuses, remplies d’émotions, de luttes et de travaux. Son parti avait toujours la majorité à Boston; sa retraite fut donc toute volontaire. Il choisit, il ne subit point la place de ces conseillers des nations qui ne siègent pas dans les conseils, mais qui font de distance en distance entendre dans la solitude une voix grave et désintéressée, voix de revenant ou de prophète.

Revenu dans le Massachusetts, Quincy ne cessa pas de se préoccuper des affaires publiques : peu de temps après son retour de Washington, il dénonçait avec vigueur les périls que l’esclavage faisait courir à l’Union et les privilèges que le sud s’était assurés par la représentation des noirs au congrès. Il montra les nouveaux états gouvernant les anciens, l’influence des émigrans l’emportant sur celle des natifs. Il avertissait le Massachusetts que ses souffrances et ses malheurs avaient une cause plus profonde que l’embargo et la guerre, que le retour de la paix n’y mettrait point fin. Jamais sa prospérité ne serait assurée tant qu’on permettrait au sud de découper sans cesse de nouveaux états sur la carte de l’Amérique et de régner en maître à Washington. Quincy, décidé à ne pas retourner au congrès, se fit nommer sénateur à Boston, et, après avoir exercé quelque temps cette fonction, il ne dédaigna pas de descendre de la chambre haute de son état dans la chambre des représentans. Son action politique y resta enfermée dans la discussion des affaires locales; mais dans une fédération, et l’on peut même dire dans tout pays libre, le patriotisme des hommes d’état ne cherche pas toujours la pleine lumière du centre politique, et reste sans effort dans la pénombre de la vie provinciale ou municipale. On peut regretter toutefois que Quincy ait été si modeste; il eût rendu sans doute de plus grands services à Washington qu’à Boston. Son entêtement et sa hauteur naturelle se fussent plies à la longue dans les luttes de la grande politique, et il eût gagné dans les combats quotidiens avec des adversaires dignes de lui cette tolérance, cette largeur, qui sont nécessaires à l’homme d’état. A Boston, il s’enfonça de plus en plus dans le mépris de ses adversaires, dans un mécontentement sans indulgence parce qu’il était sans espérance. Bientôt la politique locale même lui devint à charge, et il se retira enfin tout à fait des affaires politiques pour accepter en 1829 la présidence de l’université de Cambridge. Il convenait