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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/430

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sens dont il était chargé, fut bien reçu et fit un séjour assez long dans le camp royal. Il est à propos d’indiquer maintenant quels autres Européens se trouvaient alors au cœur de l’Abyssinie. Au moment même où Théodore, récemment couronné empereur par l’abouna Salama, expulsait sans ménagement les missionnaires catholiques, un protestant, le docteur Krapf, qui avait longtemps séjourné dans le pays, y revenait pour la troisième fois en compagnie de M. Flad avec l’intention d’y créer une mission sous les auspices et avec le concours du révérend Gobât, évêque de Jérusalem. Il fut bien reçu par le roi et par Salama, qui ne redoutaient sans doute l’un et l’autre que les catholiques. Les missionnaires de l’évêque Gobat étaient non pas des prêtres, mais de simples artisans qui cumulaient leurs travaux apostoliques avec l’exercice d’une profession manuelle. Au fond, leur prédication se réduisait à lire la Bible et à en distribuer des exemplaires. Peu de temps après, au commencement de 1860, le révérend Henry Stern arrivait de son côté en qualité de représentant d’une société biblique de Londres, et, après avoir préparé la voie, il retournait en Angleterre pour revenir bientôt avec un autre missionnaire, M. Rosenthal, suivi de sa femme. Une société écossaise envoyait aussi deux missionnaires, MM. Steiger et Brandis. Enfin il y avait encore en Abyssinie deux naturalistes allemands, MM. Schiller et Essler. Ainsi, sans compter sa suite personnelle, Cameron n’était pas isolé à la cour du roi des rois d’Ethiopie.

Le premier soin du nouveau consul avait été de demander à Théodore la confirmation du traité conclu douze années auparavant avec Ras-Ali. Le potentat répondit qu’il ne voyait aucune objection contre ce traité, mais qu’en ce moment il avait autre chose à faire. Cependant, désireux de s’assurer l’appui du gouvernement anglais dans ses guerres futures contre les Turcs, il remit au capitaine Cameron une lettre pour la reine Victoria. Cette missive, à propos de laquelle le conte ridicule d’une prétendue demande en mariage a été mis en circulation, contenait des remercîmens pour les présens que le consul venait d’apporter, bien que, à vrai dire, il n’y eût pas de quoi remercier, et réclamait un sauf-conduit pour les ambassadeurs que Théodore se proposait d’envoyer en Angleterre. Elle resta longtemps en route, paraît-il, parce qu’elle fut dirigée de Massaoua sur Aden, et de là dans l’Inde, d’où elle revint en Europe. A Londres, le foreign office, n’y comprit rien ou n’y voulut rien comprendre, et la renvoya à l’India office. Dans ce dernier bureau, on n’y fit pas attention, car on n’avait jamais eu de rapports avec les souverains de l’Ethiopie, et la lettre du négus tomba dans l’oubli.

Le capitaine Cameron avait reçu de Théodore les présens qu’il est