Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amicales qui existaient auparavant entre les deux nations; cependant il leur pardonnait; à la requête de son alliée la reine Victoria, il consentait à les rendre à leur famille. En effet dès le lendemain il les faisait mettre en liberté, et peu de jours après il écrivait à la reine une lettre en réponse à celle qu’il venait de recevoir. Dans cette dépêche, sous le formulaire un peu trompeur de l’humilité orientale, on distinguait cependant l’apparence de bons sentimens. « Je ne suis qu’un Ethiopien ignorant; j’espère que votre majesté me pardonnera mes fautes. Conseillez-moi, mais ne me blâmez pas. » Quelques jours plus tard, il écrivait encore ; « J’ai relâché M. Cameron, ainsi que les autres prisonniers, et tous les Européens qui désirent quitter le pays. Je conserve votre serviteur, M. Rassam, afin que nous nous entendions sur les moyens de développer notre alliance. » Au reste M. Rassam et ses compagnons étaient traités avec les plus grands égards. Ils étaient comblés de présens, et par ordre du roi ils étaient allés attendre à Kourata, sur les bords du lac Tzana, que les prisonniers de Magdala fussent arrivés. Les ouvriers européens de l’évêque Gobât, qui étaient restés à Gaffat, où ils travaillaient à l’arsenal de Théodore pendant la captivité des autres missionnaires, avaient été dirigés aussi sur Kourata, afin d’être réunis à leurs compatriotes.

Tout obstacle paraissait aplani, toute crainte semblait évanouie; la situation allait changer de face du jour au lendemain. Le roi avait fixé au 13 avril le départ définitif des Européens, qui devaient revenir vers la Mer-Rouge par la voie de Metemmah. Le camp royal était alors à Seghié, au sud-ouest du lac. Théodore manda la mission anglaise auprès de lui, voulant voir encore une fois, disait-il, ses bons amis avant leur départ. MM. Rassam, Blanc et Prideaux obéirent à cet ordre, tandis que les anciens prisonniers de Gaffat et de Magdala se mettaient en route par le chemin le plus direct. Dès que les envoyés britanniques arrivèrent au camp, on leur prodigua comme d’habitude les marques de respect. Introduits dans la salle d’audience, ils trouvèrent une assemblée nombreuse des plus hauts dignitaires de l’empire en grand costume; mais à peine avaient-ils paru, que des soldats se ruèrent sur chacun d’eux et leur enlevèrent leurs armes, puis l’un des ministres leur déclara qu’ils étaient prisonniers.

Quelle était la cause de ce brusque changement? Le lendemain même de cette scène, Théodore se fit amener M. Rassam et ses deux compagnons : il leur reprocha d’avoir fait partir leurs compatriotes sans audience de congé et d’avoir écrit des lettres en Angleterre; il prétendit que la dépêche de la reine Victoria n’était pas une réponse à celle qu’il avait envoyée lui-même deux ans auparavant; il