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ils pas l’empereur lui-même ? Sont-ils autre chose que l’organe de ses ordres et l’instrument de ses volontés ? Or, après tant d’innovations funestes à la religion que l’empereur s’est permises et contre lesquelles nous avons si souvent et si inutilement réclamé, après les vexations exercées contre tant d’ecclésiastiques de nos états, après la déportation de tant d’évêques et de la majeure partie de nos cardinaux, après l’emprisonnement du cardinal Pacca à Fénestrelle, après l’usurpation du patrimoine de saint Pierre., après nous être vu nous-même assailli à main armée dans notre palais, traîné de ville en ville, gardé si étroitement que les évêques de plusieurs diocèses que nous avons traversés n’avaient pas la liberté de nous approcher et ne pouvaient nous parler sans témoins, après tous ces attentats sacrilèges et une infinité d’autres qu’il serait trop long de rapporter et que les conciles généraux et les constitutions apostoliques ont frappés d’anathème, avons-nous fait autre chose qu’obéir à ces conciles et à ces mêmes constitutions, ainsi que l’exigeait notre devoir ? Comment donc aujourd’hui pourrions-nous reconnaître dans l’auteur de toutes ces violences le droit en question et consentir à ce qu’il l’exerçât ? Le pourrions-nous sans nous rendre coupable de prévarication, sans nous mettre en contradiction avec nous-même et sans donner lieu de croire, au grand scandale des fidèles, qu’abattu par les maux que nous avons soufferts et par la crainte de maux plus grands encore, nous sommes assez lâche pour trahir notre conscience et approuver ce qu’elle nous force à proscrire ? Pesez ces raisons, monsieur le cardinal, pesez-les non au poids de la sagesse humaine, mais à celui du sanctuaire, et vous en sentirez la force.

« Malgré un tel état de choses, Dieu sait si nous désirons ardemment donner des pasteurs aux sièges vacans de cette église de France que nous avons toujours chérie de prédilection, et si nous souhaitons trouver un expédient pour le faire d’une manière convenable ; mais devons-nous agir dans une affaire d’une si haute importance sans consulter nos conseillers naturels, les membres du sacré-collège ? Or comment pourrions-nous les consulter quand, séparé d’eux par la violence, on nous a ôté toute communication avec eux, et en outre tous les moyens pour l’expédition de semblables affaires, n’ayant pu même jusqu’à présent obtenir d’avoir auprès de nous un seul de nos secrétaires ?.. A votre lettre en était jointe une de M. le cardinal Maury, et l’on m’en a remis en même temps une troisième de M. l’évêque de Cazal, toutes trois pour le même objet. Nous accusons à ce dernier réception de sa lettre, et l’engageons à se faire communiquer cette réponse. Nous nous réservons d’écrire plus amplement à M. le cardinal Maury dès que nous en aurons le loisir. En attendant, faites-lui part de nos sentimens et recevez notre bénédiction paternelle et apostolique[1]. »

  1. Bref adressé à M. le cardinal Caprara à Paris. Savone, 26 août 1809.