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éminences ne semble avoir fait aucune impression sur le pape. Il est certain qu’il ne s’est pas montré disposé à employer leur secours, ni à leur parler confidentiellement[1].

Aussitôt que l’empereur eut reçu de Savone ces rapports précis et circonstanciés sur les dispositions de Pie VII, son parti fut immédiatement pris. Certes il ne donnerait pas au saint-père plus de facilités qu’il n’en avait eu jusqu’alors pour communiquer avec les membres dû clergé et les fidèles de l’église de France. Encore moins lui accorderait-il les conseillers dont il disait avoir besoin pour entrer en négociation. Puisque Pie VII ne voulait pas céder, puisqu’il prétendait poser ses conditions, eh bien ! on se passerait de lui. Il ne serait pas si malaisé de lui faire voir qu’on pouvait pourvoir sans son assistance au gouvernement des affaires ecclésiastiques de France. À peine les lettres des cardinaux envoyés auprès du saint-père et les dépêches du préfet de Montenotte avaient-elles été déchiffrées aux Tuileries, que le ministre des cultes reçut ordre d’écrire aux évêques nommés d’Asti, de Liège, de Poitiers, de Saint-Flour, afin qu’ils eussent à se rendre immédiatement dans leurs diocèses sans attendre plus longtemps l’institution canonique[2]. On sait, d’après le témoignage de M. Bigot, à quel point il répugnait aux évêques nommés, mais non encore institués canoniquement, de se présenter sans titre reconnu au milieu de leur nouveau troupeau ; mais leurs convenances ne furent point consultées, ils durent tous partir. Une mesure plus éclatante encore témoigna bientôt avec quelle vivacité l’empereur entendait mener la lutte toute spirituelle qu’il lui avait plu d’entamer contre le chef de l’église catholique.

Le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, était mort le 10 juin 1808. Six mois après sa mort, Napoléon avait nommé pour le remplacer son oncle le cardinal Fesch. Fesch avait accepté ces fonctions nouvelles sans se démettre toutefois de l’archevêché de Lyon, soit parce qu’il ne voulait pas sacrifier le certain pour l’incertain, soit parce qu’il ne reconnaissait pas à son neveu le droit de rompre les liens qui l’attachaient à sa première église. La gestion provisoire par son proche parent du siège de Paris donnait une suffisante garantie de sécurité à l’empereur. Ce choix avait d’ailleurs été plutôt agréable au clergé de la capitale. « Le chapitre en corps, les grands-vicaires à leur tête, dit M. d’Astros dans un mémoire manuscrit, allèrent le féliciter, et en même temps l’inviter à diriger

  1. Rapport fait par le commandant de la gendarmerie et certifié par le préfet de Montenotte, 12 juillet 1810.
  2. Lettre circulaire de M. le comte Bigot de Préameneu aux évêques d’Asti, de Liège, de Poitiers et de Saint-Flour, 3 août 1810.