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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/632

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Saint-Jean-d’Angely essaya de prononcer quelques mots ; mais l’empereur le fit taire. Il était toutefois visiblement embarrassé de l’effet produit et qui avait dépassé son attente. Au lendemain de la séance, Cambacérès, accoutumé cependant aux orages de la colère impériale, disait à M. d’Hauterive, qu’une indisposition avait empêché de s’y trouver : « Vous êtes bien heureux ! pour moi, j’en suis encore malade. » Et voilà, qui le croirait ? la scène que M. de Las-Cases a représentée dans le Mémorial de Sainte-Hélène comme une sorte d’admonition paternelle donnée par l’empereur à M. Portalis avec une bonté véritablement attendrissante.


IV

Tout n’était pas fini cependant. Restait encore à atteindre celui qui, aux yeux de Napoléon, était le grand coupable, c’est-à-dire le prisonnier de Savone. En vain chercherait-on dans la correspondance de Napoléon Ier les lettres relatives aux mesures prises à cette époque contre le saint-père : on ne les y trouvera point, sans doute, ainsi que nous le lisons dans la préface du seizième volume, parce que ces lettres ne sont pas du nombre de celles qu’il aurait livrées à la publicité, si, se survivant à lui-même et devançant la justice des âges, il avait voulu montrer à la postérité sa personne et son système[1]. Ces pièces, à notre sens, font au contraire si parfaitement connaître et la personne et le système que nous nous ferions scrupule d’en priver nos lecteurs.


« Écrivez au préfet de Montenotte, mande Napoléon à son ministre des cultes, pour lui faire connaître la lettre que le pape a écrite au grand-vicaire de Paris, afin d’éclairer ce fonctionnaire sur la mauvaise foi du pape, qui, sous des apparences de conciliation et de charité, excite en secret la discorde et la rébellion. Donnez-lui l’ordre d’empêcher qu’aucun courrier ne soit reçu ni expédié avec des lettres pour le pape et sa suite, et pour que la poste ne fasse partir ni ne lui fasse remettre aucune lettre. Il faudra pour cela qu’il soit sûr du directeur des postes. Vous lui ferez connaître que je fais venir l’évêque de Savone à Paris afin d’ôter au pape un canal de communication. Vous donnerez effectivement l’ordre au prélat de venir à Paris, où je désire le voir. Vous prescrirez au sieur Chabrol d’avoir dans ses conversations un ton plus ferme, de représenter au pape qu’il fait du tort à la religion, qu’il cherche à semer le trouble et la division, qu’il néglige la douceur et les bonnes manières (sic), qui auraient pu réussir auprès de moi, qu’il n’obtiendra rien par

  1. Rapport à l’empereur Napoléon III, t. XVI, de la Correspondance de Napoléon Ier.