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sa personne transporté à Gênes afin d’être plus près du théâtre de l’action. Ce fut dans la nuit du 8 janvier 1811 que le préfet de Montenotte se rendit au palais de l’évêque de Savone pour saisir toute la correspondance et les papiers du saint-père. « Tout le monde, écrit-il, était encore enseveli dans le sommeil ; rien n’a pu échapper aux recherches[1]. » Les recherches dont parle le préfet de Montenotte furent pratiquées avec un soin extrême par des hommes envoyés exprès de Paris et qui savaient leur métier. On visita tous les appartemens, on ouvrit ou l’on força tous les tiroirs. On prit soin de découdre les vêtemens de chacun, même ceux du pape. Ce que ne dit point M. de Chabrol, et ce qu’il ignora peut-être, on crocheta le secrétaire de Pie VII pendant qu’il était descendu se promener dans le petit jardin de l’évêché[2]. Tous les livres trouvés pendant cette perquisition minutieuse furent mis de côté, et l’on enleva au saint-père son écritoire, ses plumes, jusqu’à son bréviaire, jusqu’à un petit office de la Vierge qu’il portait presque toujours avec lui, ainsi qu’une bourse en peau qui contenait un certain nombre de pièces d’or, et que l’on trouva dans l’appartement de Mgr Doria. « Passe pour la bourse, dit Pie VII ; mais que pourront-ils faire de mon bréviaire et de l’office de la Vierge ? » On fit également un paquet de tous les papiers, qui furent envoyés à Gênes, où des agens experts, choisis à Paris par le duc de Rovigo, les examinèrent de très près. Des rapports envoyés au duc de Rovigo il résulta que les personnages qui composaient la maison du saint-père n’étaient pas des gens dangereux ni malintentionnés, et surtout qu’il n’y avait parmi eux aucun de ces travailleurs que Napoléon redoutait tant de laisser auprès du pape[3]. Cependant, pour plus de sûreté, et sans doute afin de faire quelque chose de particulièrement pénible à Pie VII, on fit partir pour Fénestrelle les serviteurs obscurs qui paraissaient jouir plus particulièrement de sa confiance. C’est ainsi qu’on lui enleva à sa grande surprise jusqu’au vieux valet de chambre qui lui servait de barbier. Dans les papiers, compulsés avec soin, on ne découvrit rien que de très insignifiant. Les pièces d’or trouvés chez Mgr Doria étaient le produit d’une collecte que de pieux catholiques avaient faite pour subvenir aux besoins du saint-père. Dans la liste des donataires, que Mgr Doria avait gardée, et qui fut envoyée à Paris, l’empereur eut le désagrément de lire les noms de plus d’une personne appartenant

  1. M. de Chabrol à M. le ministre des cultes, 8 janvier 1811.
  2. Relation manuscrite italienne du valet de chambre du pape. — British Muséum, n° 8,389.
  3. Rapport de police sur les personnes composant la maison du pape, Savone, 8 janvier 1811.