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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/781

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l’absolu d’un dogme, aucune vérité ne peut devenir commune à l’humanité.

A mes yeux, il y a erreur chez les uns comme chez les autres. Si l’humanité future confectionne des sociétés et construit des temples, l’individu sera libre sous la loi commune, et le mystère sera banni de l’autel.

Pour cela, il faut que l’homme sache Dieu et l’humanité. On croit à ce que l’on sait. Ouvrez la porte au savoir. Donnez-lui des instrumens, des laboratoires et la liberté absolue ; mais donnez-lui aussi des ailes. Apprenez-lui que chaque genre de certitude a son domaine, chaque vérité acquise sa case dans l’intelligence, mais qu’il en est une d’un ordre si élevé qu’il faut l’accueillir et la posséder dans la plus haute région de l’âme pour qu’elle serve de criterium et de corollaire à toutes les autres.


18 juillet.

….. Tu me demandes ce que j’entends par l’âme universelle de l’homme. Mon mot est mauvais, je ne le défends pas. Il faudrait toujours prendre les mots pour ce qu’ils valent ; ils sont les empreintes du moment qui les fait éclore, les symboles qui transmettent à notre esprit nos impressions passagères, toujours incomplètes. Peu de mots fixent assez une idée pour mériter d’être conservés toute une semaine. Prends le mien pour ce que je te le donne, et vois-y l’appel d’une relation à établir entre l’âme individuelle et l’âme de l’univers.

Tu vas me demander encore où est l’âme de l’univers, si elle est diffuse ou personnelle. Elle est partout selon moi, comme la matière est partout ; elle est à la fois personnelle et diffuse, elle remplit le fini et l’infini. Je ne vois point d’obstacle à cette antithèse, puisque l’âme humaine a ces deux attributs bien distincts et cependant inséparables. A toute heure, notre esprit, enfermé en apparence dans le cercle étroit de nos besoins matériels ou de nos impressions passagères, peut s’élancer vers les sphères de l’infini, non pas seulement par la rêverie poétique, mais par les calculs précis de la mathématique et les certitudes idéales de la géométrie. Supposez que l’univers a une âme comme nous, mais une âme aidée de la connaissance d’elle-même, ce qui est la connaissance absolue de toutes choses ; vous pouvez très bien lui attribuer aussi la volonté de maintenir ses propres lois, puisque cette volonté est toujours en nous à un degré quelconque. Je ne vois rien là qui dépasse les perceptions de l’esprit humain. Il me semble au contraire que cette vision de l’âme de l’univers nous est nécessaire, qu’elle prend sa source dans ce que nous avons de plus clair dans le cerveau, la