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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/810

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Le livre que Johann Fründ, notaire public de Schwyz, écrivait en 1440 sur la provenance du peuple suisse, n’avait pas d’autre but. Les habitans de Frütigen, ville jumelle d’Hasli et née comme elle à un détour du Kanderthal, au sud du lac de Thun, avaient l’habitude de visiter tous les ans leurs amis d’Hasli. Le registre public de Frütigen porte, à la date du mois de mai 1595, que leurs hôtes leur ont lu la chronique de leur ville, et l’extrait qu’il fait de cette lecture confirme le récit de la ballade. Il est vrai que les vieux historiens de la Suède ne parlent d’aucune colonie qui ait pris ce chemin. Quel serait donc ce peuple dont le voyage à travers l’Europe serait resté ignoré ? Les uns veulent que des hommes d’HasIi soient une colonie normande égarée, refoulée par le hasard et la nécessité jusqu’aux glaciers de l’Aar et du Rhône ; les autres, avec plus d’apparence, supposent que le dernier torrent des Goths repoussé d’Italie par nos rois francs, et remontant la Rhétie au pays des Grisons et le haut Rhin, a débordé par le Saint-Gothard sur les pentes sauvages et encore inhabitées du lac des Quatre-Cantons et des lacs de Brienz et de Thun. Bien des traits de l’Ostfriesenlied, — la famine, l’émigration, la division des deux colonies dont nous avons parlé, les guerres en Italie et l’alliance avec deux empereurs dont la chanson parle et qui ne sont pas de notre sujet, — ne seraient, suivant cette hypothèse, que des souvenirs de l’invasion gothique confondus avec quelques faits plus récens.

Les laborieuses tribus qui vivent étagées le long des montagnes entre les lacs de Thun et de Brienz et les glaciers passent pour être venues de la froide Scandinavie comme celles d’Hasli. Untersee, à l’embouchure de l’Aar, dans le lac de Thun, Interlaken, placé dans la situation la plus heureuse, entre les deux lacs, sont également regardés comme des colonies parties des bords de la Baltique. Si cette tradition n’est pas mensongère, leurs chalets pittoresques dont la variété défie le crayon des plus ingénieux dessinateurs seraient un souvenir des habitations de la patrie suédoise. Un lien de famille rattache en quelque sorte toutes ces bourgades de l’Oberland. Elles se visitent entre elles de temps en temps ; dispersées à quelques milles de distance les unes des autres, mais séparées six mois par des abîmes de neige, elles semblent de loin en loin, quand le printemps commence à faire tomber leurs barrières de glace et que cependant le soleil n’est pas assez haut pour donner le signal des travaux assidus, elles semblent vouloir s’assurer réciproquement de leur existence, se saluer au sortir de leur prison, se féliciter d’avoir échappé à la faim, aux avalanches, aux éboulemens, à toutes les causes de destruction qui les menacent sans cesse. Mme de Staël a décrit l’une de ces fêtes ; quelques traits de sa plume ont donné