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qu’elles ont le plus de succès. Nous avons visité plusieurs de ces pieuses maisons, tenues par des sœurs françaises, filles actives et gaies, tenant de Marthe plutôt que de Marie. Elles enseignent ce qu’elles savent, la propreté, l’ordre, le dévouement, et forment ainsi de bonnes ménagères. Dans des sphères plus hautes, les gens d’église ont rendu des services qu’on ne saurait contester sans mauvaise foi. Les moines représentaient la science, comme ils avaient fait au moyen âge, dans les pays qui en étaient encore au moyen âge. Nous avons connu des jeunes gens fort instruits qui sortaient des collèges des Scolopi, dans les Abruzzes ; ils avaient lu chez ces bons pères Hegel en allemand. Aussi les Scolopi furent-ils un peu inquiétés sous l’ancien régime. D’autres moines, ceux du Mont-Cassin, étaient de doctes gens ; Ferdinand II confisqua leur imprimerie, et envoya chez eux des baïonnettes. On voit que le clergé ne représentait pas partout la réaction.

Cependant, quand l’Italie devint subitement un pays moderne, son premier souci fut d’élever toutes ses institutions à la hauteur de sa constitution politique. Il en résulta que le clergé, qui jusqu’alors avait marché devant, se trouva tout à coup fort en arrière ; les capitaines devinrent des traînards qui s’arrêtèrent essoufflés, ne pouvant prendre l’allure d’un peuple libre ; ils employèrent dès lors tout ce qui leur restait de force à contenir le mouvement national. D’autre part, la haine de Rome contre l’Italie encourageant toutes les résistances cléricales, il arriva que les instituteurs ecclésiastiques refusèrent de se mettre au pas, non-seulement par lassitude, mais par devoir. Quand le gouvernement italien fit inspecter les séminaires, qui dans beaucoup de provinces étaient les seules écoles secondaires ouvertes au public, il trouva partout, — sauf à Crémone, à Cava et à Sienne, — les plus hautaines oppositions. Le vicaire de l’évêque de Bari autorisa la visite « pour ne pas faire de bruit, » mais en déclarant que « les agens du gouvernement étaient excommuniés par le syllabus. » Les évêques napolitains protestèrent en s’appuyant sur les décisions du concile de Trente, en vertu desquelles les séminaires dépendaient du clergé seul, parce que le clergé seul en devait rendre compte à Dieu. Les évêques ne se bornaient point à résister, ils prenaient quelquefois l’offensive. Sur l’invitation d’un archidiacre de la cathédrale, les élèves et les maîtres du séminaire de San-Severino se réunissaient dans des banquets où ils criaient assez haut pour qu’on les entendît dans la rue : Vive le pape-roi ! Le recteur du séminaire de Teramo tonnait en chaire contre l’Italie. Dans les séminaires du diocèse de Milan, les supérieurs conspiraient, et les élèves écrivaient dans les journaux sanfédistes. Dans le séminaire de Ravenne, un élève, interrogé sur la géographie de l’Italie, répondit à l’inspecteur en rétablissant