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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/847

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tous les royaumes, grands-duchés et duchés qui existaient avant 1859 ; il ignorait ou feignait d’ignorer la campagne d’Italie et ses suites. Ces dispositions se retrouvaient presque partout dans les établissemens dirigés par les religieux. À Bénévent, dans un externat de jeunes filles qu’avaient fondé les ursulines, l’inspecteur, qui tenait à se renseigner sur la politique de l’endroit, voulut demander à une élève quel est le roi d’Italie. L’élève répondit : C’est Jésus-Christ.

Telles étaient les idées répandues non-seulement chez les candidats au sacerdoce, mais encore chez la plupart des jeunes gens du pays, car la majorité des séminaristes étaient étrangers : on nommait ainsi ceux qui ne comptaient pas entrer dans les ordres. Le séminaire de Finale, où le recteur n’avait point osé suspendre le portrait du roi, de peur, disait-il, qu’on ne le mît en pièces, avait 70 élèves, dont 50 ne songeaient nullement à vivre de l’autel. Ajoutons qu’en général ces pieuses maisons n’enseignaient guère que le latin, fort peu de grec, fort peu d’italien et du plus mauvais, encore moins de géographie et d’histoire, point de sciences naturelles. En sortant de là, les jeunes gens ne savaient bien que leur bréviaire ; ceux qui devenaient prêtres n’auraient pu controverser une heure avec un écolier protestant, ceux qui restaient laïques n’auraient pu entrer à l’université, même au lycée, sans recommencer leurs études. Lors de l’inspection, les professeurs, dépourvus de toute espèce de diplôme et de brevet, paraissaient encore plus embarrassés que les élèves. À part de fort honorables exceptions (nous avons déjà cité les Scolopi), telle était la population de ces inutiles ou pernicieux établissemens. De plus, en beaucoup d’endroits, les fonds étaient insuffisans ou l’argent mal employé. Avec une rente de 200,000 francs, le collège de la Guastalla, à Milan, n’instruisait qu’une trentaine de jeunes filles, élevées par 37 gouvernantes et converses ; cependant ces 30 jeunes filles n’apprenaient rien, et le gouvernement dut leur donner cinq institutrices de plus. Enfin çà et là des scandales qu’on a peut-être eu tort de publier et surtout de spécifier appelaient une répression rigoureuse. C’est ainsi que l’Italie, en 1860, avait à lutter non-seulement contre les 17 millions d’illettrés qui n’avaient jamais hanté les écoles, mais encore contre plus de 100,000 jeunes gens, sans compter les maîtres, instruits dans les 260 séminaires et dans les 1,112 instituts de tout grade exclusivement dirigés par des religieux. Que faire contre de pareilles légions ? L’Italie n’avait qu’une arme, la loi, qui serait restée sans pouvoir, si les évêques avaient montré plus d’adresse. Ils auraient pu demeurer dans leurs diocèses, dissimuler leur ressentiment, soumettre leurs écoles à la règle commune, garder l’empire tout en ayant l’air de baisser le front :