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jour malgré des difficultés considérables. Entre Gênes et Nice, le chemin de fer doit suivre toutes les sinuosités de la côte ; il parcourra 157 kilomètres jusqu’au torrent de San Luigi, frontière française, en passant par-dessus 70 ponts à grandes ouvertures et à travers 79 tunnels. Il doit être ouvert cette année jusqu’à la onzième station, celle de Savone. Entre Gênes et la Spezia, c’est-à-dire sur la côte orientale ou, comme on dit dans le pays, sur la rivière du Levant, les travaux sont plus compliqués encore ; le chemin de fer doit quitter deux fois le bord de la mer pour suivre deux longues courbes et traverser les promontoires de Porto-Venere et de Porto-Fino dans deux tunnels dont le premier aura 3,790, le second- 3,000 mètres de longueur ; il franchira de plus 89 autres tunnels, si bien que la moitié de la voie ou à peu près (41 kilomètres sur 88) sera souterraine. Pourtant il faut ménager les pentes et les courbes, afin que les trains de grande vitesse puissent courir à toute vapeur sur cette ligne. On ira cet été jusqu’à la neuvième station, celle de Chiavari. Quand ces deux chemins seront achevés (ils ont déjà coûté 79 millions, ils en coûteront 120), ils se rejoindront à Gênes en faisant le tour de la ville dans un tunnel de 2,200 mètres à courbe très prononcée ; les voyageurs pourront aller en wagon de Marseille à Civita-Vecchia en suivant les plus belles côtes qui soient au monde.

Pour remonter de Gênes à Milan, vous pouvez choisir entre plusieurs railways, celui de Turin, celui de Pavie, celui de Plaisance, et, si vous ne craignez pas les détours, celui de Crémone. Sur toutes ces voies ferrées, il y a des travaux d’art importans : le pont en fer à huit travées qui franchit le Pô à Plaisance mesure 577 mètres ; le pont tubulaire de Mezzanacorte est plus beau encore, c’est celui qui traverse le Pô sur la ligne de Pavie à Crémone. Il est à dix travées et à deux étages, et s’étend sur une longueur de 826 mètres. L’étage inférieur sert au chemin de fer, l’étage supérieur appartient aux voitures et aux piétons. Les fondations, faites au moyen de l’air comprimé, s’enfoncent à 23 mètres au-dessous du niveau des plus basses eaux du fleuve. Pour cette construction, il a fallu combler et détourner le Pô, creuser un canal de 1,864 mètres, enlever et transporter 760,000 mètres cubes de terre, apporter et placer près de 5 millions de kilomètres de fer et dépenser 12 ou 13 millions. C’est un ingénieur napolitain, M. Alfred Cottrau, qui a fourni les plans de cet ouvrage, le plus considérable, nous assure-t-on, qui existe en Europe.

Vous arrivez à Milan : c’est encore le débarcadère qui vous frappe d’abord. Les gares sont les monumens modernes, elles remplacent les portes triomphales qui s’ouvraient autrefois à l’entrée des cités. Partout où la gare a un grand air, vous pouvez vous