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L'ELECTION PRESIDENTIELLE
DE LA PLATA
ET LA GUERRE DU PARAGUAY

C’est avec un profond sentiment de tristesse que tout homme intéressé de cœur à la prospérité des républiques hispano-américaines regarde maintenant vers les contrées de la Plata. Ces pays, évidemment destinés à remplir un jour dans le continent du sud un rôle analogue à celui des États-Unis dans le continent du nord, ne présentent point encore le spectacle de bonheur et de liberté qu’on serait en droit d’attendre d’eux : en dépit des grands progrès de leur commerce, de leur industrie, de leur richesse, les populations platéennes ne sont point sorties de la barbarie guerrière. Montevideo, la première ville où débarque l’Européen, et peut-être celle qui s’accroît et s’embellit le plus rapidement, est souvent ensanglantée de hideux massacres, et ses campagnes sont périodiquement ravagées par des bandits prétendant appartenir à tel ou à tel parti politique. Il est vrai que dans la cité de Buenos-Ayres la paix civile n’est point troublée ; mais en revanche la plupart des provinces sont dans un état continuel de trouble et de luttes intestines, et les Indiens en profitent pour dévaster les plantations jusqu’au chemin de fer central de la république, entre Rosario et Cordova. Le peuple qui dans sa constitution s’est ambitieusement proposé de « travailler au bonheur du genre humain » vit lui-même dans la terreur constante des révolutions et des batailles. Enfin, sur les frontières du Paraguay, une guerre terrible sévit depuis plus de trois ans, et du milieu des camps peuplés de soldats faméliques et malpropres, du fond des marécages remplis de cadavres putréfiés, le choléra s’élance