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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/976

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d’y réduire deux cent cinquante maisons en cendres dans la nuit du 16 au 17 septembre 1867. Déjà en novembre 1865 le centre de la petite cité avait été la proie des flammes. Ce fut au même point, dans les nouvelles habitations élevées sur le lieu du dernier sinistre, que le feu s’était encore déclaré, mais cette fois avec une intensité telle qu’il ne tarda pas à gagner les deux tiers de la ville, s’étendant sur un vaste foyer d’une superficie de 20 hectares. Le désastre était évalué à 2 millions de francs, somme considérable pour le chiffre de la population. Avertis par le télégraphe, dont les communications avaient précisément été inaugurées à Saint-Pierre le 30 août précédent, nous avions bondé la frégate à Sydney de tous les matériaux de construction dont nous pouvions la charger, et aussitôt arrivés devant la ville incendiée, nos hommes avaient été mis à terre pour aider autant qu’il était en notre pouvoir à déblayer les ruines des décombres qui les obstruaient encore, ainsi qu’à préparer les abris provisoires dont l’approche de l’hiver faisait sentir l’urgente nécessité. Enfin le 20 octobre, ayant au moins pourvu au plus pressé, nous reprenions la mer, et le 31 du même mois nous franchissions les passes de la rade de Lorient, en envoyant à Notre-Dame-de-l’Armor le salut traditionnel dont ne s’affranchissent jamais, les marins bretons[1]. Une traversée de onze jours couronnant une campagne de six mois, n’est-ce pas un double phénomène assez rare dans la vie maritime pour expliquer le bon souvenir qui s’attache à ces courtes croisières de Terre-Neuve, encadrées entre les longues absences dus mers de Chine ou du Pacifique ?


ED. DU HAILLY.

  1. L’Armor est un petit village breton situé sur la côte près de Lorient, et un ancien usage veut que tout navire en salue la Vierge patronale de trois coups de canon, tant au début de la campagne lorsqu’il quitte le port que lorsqu’il y rentre au retour. On a remarqué que la Sémillante, si tragiquement naufragée dans les bouches de Bonifacio pendant la guerre de Crimée, avait négligé de se conformer à cette tradition à sa sortie de Lorient ; il en avait déjà été de même du brick le Pandour, perdu à la mer en 1849. La chronique locale veut que ces deux bâtimens soient les seuls qui, avec ou sans intention, aient manqué de respect à Notre-Dame-de-l’Armor.