chantent au paradis. Au moment de la naissance de sainte Geneviève et pendant que les chantres entonnent le Virginis proles, la chamberière de la dame en mal. d’enfans, ne comprenant pas les choses d’un point de vue aussi éloigné, ne songe qu’aux souffrances de sa maîtresse :
Diex ! que madame e grant haschier !
Benedicite, Dominus!
Bien fut sote la druerie
De quoy si gryès maulx sont venus.
Or me gart Diex de puérie
Dont mon corps soit ainsy tenus!
Ailleurs sainte Barbe, pendue par les pieds, grillée à petit feu, se
compare elle-même à un rôti que l’on pourrait servir à la minute.
Les âmes sortent de la bouche des mourans comme les peintures du
temps les représentent, sous forme d’un pantin que les anges et les
diables se disputent. Le patriarche Seth, fils d’Adam, jure par le
premier livre de Moïse et prononce le Pater noster. Salomon, fils de
David, réjouit la reine de Saba en lui annonçant qu’Ésope le poète
et son père David feront un jour mention d’elle; puis il se dispute
avec une de ses femmes et se fait apporter un grand verre de bière.
Néron et Clovis avant sa conversion jurent par Mahomet. Dans un
drame de la Passion cité par le docteur Alt[1], Dieu le Père dort au
paradis sur son trône tandis que sur la terre on crucifie le Christ.
Un ange vient le réveiller en ces termes peu polis :
Père éternel, vous avés tort
Et devriés avoir vergogne;
Votre fils bien-aimé est mort,
Et vous dormes comme un yvrogne!
Il est mort !
D’homme de bien !
Diable emporte qui en savais rien!
Il ne faut pas crier au scandale. L’auteur a simplement amplifié en
termes fort grossiers le sentiment que le psalmiste hébreu exprime
plus brièvement quand il s’écrie : « Réveille-toi! pourquoi dors-tu,
Seigneur? » et qui vient facilement au cœur du croyant le plus
soumis quand il assiste au triomphe insultant de l’iniquité.
La séparation de l’église et du théâtre fit aussi que les organisateurs des mystères se sentirent les coudées plus franches pour ac-
- ↑ Theater und Kirche, Berlin, 1846, p. 389.