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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/987

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heure du sud au nord et passer jusqu’en Scandinavie. On distingue même dans le récit d’Hérodote des nations associées aux Scythes, mais d’une origine différente, comme les Androphages, placés au-delà de vastes déserts en remontant le Borysthène, les Mélanchlœnes, les Argippéens à la tête rasée, au nez aplati, au menton saillant, plus reculés encore vers l’Oural. Là commencent des notions, fabuleuses aux yeux d’Hérodote, mais reposant sur un fond vrai, d’après lesquelles il existait dans cette direction des peuples qui donnaient pendant six mois. On reconnaît là des tribus errantes d’origine touranienne. L’historien fait ressortir leurs habitudes nomades et les différences de langage qui les distinguent des Scythes proprement dits, dont la descendance aryenne est généralement admise. Il n’est pas moins véridique en attribuant à ceux-ci l’art de faire le beurre, alors inconnu en Grèce, de tisser le chanvre au lieu du lin et d’en extraire une boisson fermentée. Le nom sanscrit du beurre, perdu dans les langues du midi, s’est conservé dans celles du nord ; quant au chanvre, il est certain que l’introduction de cette plante en Europe date de l’arrivée des Germains, qui la rapportèrent du fond de l’Asie.

Les détails que donne Hérodote sur ce qu’étaient l’aspect physique et le climat de la Russie méridionale cinq ou six siècles avant l’ère chrétienne sont également pleins d’intérêt. Pendant huit mois d’hiver, le sol était durci par la gelée, la mer elle-même se glaçait et portait des chariots ; à cette saison succédait un été court, pluvieux, chargé d’orages. Vers le nord, une tradition vague plaçait les Hyperboréens dans une région où la neige, tombant à gros flocons, obscurcissait l’atmosphère. Il s’agit sans doute de tribus finnoises ou même laponnes dont l’existence, perdue au sein de la nuit, envoyait pourtant des confins de la terre habitable comme un écho affaibli jusqu’aux populations de la Grèce.

Les Celtes ou Gaêls, qu’Hérodote place aux extrémités de l’Occident, y étaient arrivés avant les autres Aryas, après s’être arrêtés, à ce que croit M. Pictet, au pied du Caucase, dans l’Ibérie (pays des Eres) et l’Albanie (pays montagneux). Ces mêmes noms, lorsque les Gaëls vinrent en Europe, furent transportés par eux à l’île d’Érin (Hibernia) et à celle d’Albion, à la région de l’Èbre (Iberia) et à l’Albanie ; les Albanais modernes ont conservé la dénomination qui fut appliquée originairement par les Celtes à tous les peuples montagnards. Plus tard, les Cymris, rameau détaché de la même souche, vinrent rejoindre les Gaëls. Les traces de leur marche figurent parmi les plus anciens souvenirs historiques. Homère place les Cimmériens à l’extrémité de l’Océan, dans une contrée que la nuit enveloppe d’une ombre éternelle. Du temps d’Hérodote, les Cimmériens sont moins écartés ; chassés de leur pays, situé au