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qu’on a été longtemps à en pressentir la vraie origine. Il semble donc qu’une cause générale ait primé les causes partielles et imprimé à l’ensemble un caractère tout particulier de grandeur. Cette cause se reconnaît sans trop d’effort, elle est unique en effet : c’est l’extrême abondance des eaux, due sans doute à l’existence de vastes étendues fournissant à l’évaporation, et peut-être au concours de plusieurs circonstances combinées.

Les événemens géologiques qui influèrent alors sur la configuration du sol européen peuvent être ramenés à un petit nombre dont il est facile de saisir l’importance. Après les derniers temps tertiaires, pendant lesquels notre continent s’était graduellement refroidi, l’abaissement de la partie septentrionale envahie par la mer, amena ce que l’on nomme le phénomène erratique du nord ; cédant ensuite à une oscillation en sens inverse, mais aussi lente que la première, le nord de l’Europe revient de nouveau à la surface des eaux. Les principales chaînes se recouvrent alors d’énormes glaciers. Cependant le froid devient peu à peu plus vif, le climat moins égal et plus continental ; en dernier lieu, la diminution progressive de l’humidité amène le retrait des glaciers, le refoulement vers le nord des animaux qui en fréquentaient les approches et le commencement de l’état présent. Tous ces changemens ont dû exiger un temps dont sir Charles Lyell a essayé de donner une évaluation approximative. Il a montré que, lors du phénomène erratique, il avait fallu que l’Angleterre, tout le nord de l’Allemagne, la Pologne, la Russie jusqu’à Moscou et Kiev, la Scandinavie, sauf les massifs montagneux les plus élevés, descendissent peu à peu sous les eaux de la mer, qui dans le pays de Galles dépassaient au moins de 1,500 pieds le niveau actuel, tandis qu’en Scandinavie elles étaient hautes de 250 mètres et se prolongeaient en diminuant graduellement de profondeur vers les plaines d’Allemagne et de Russie. Dans toute cette étendue, les glaces flottantes ont promené des blocs granitiques et déposé sur le sol sous-marin le drift, sorte de limon mêlé de graviers et de fragmens anguleux dont la nature minéralogique a permis de reconnaître la provenance. C’est en se basant sur la puissance et la continuité du drift que M. Lyell a évalué à deux cent mille ans au moins la durée probable de cette grande oscillation. Dès lors cependant l’homme existait en Europe ; on ne saurait en douter, quoique les premières traces qu’il a laissées soient bien rares et aient longtemps échappé aux yeux les plus sagaces. Revenons en arrière pour mieux exposer les circonstances au milieu desquelles il se montre pour la première fois.

Certaines parties de la côte d’Angleterre, dans le Norfolk, ont fourni des détails sur l’aspect que présentait le nord de l’Europe avant le commencement du phénomène erratique. On y a observé