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peu de savoir ? On ne peut le présumer de si loin. Calcutta, Madras, Bombay, ont des universités ou des collèges hindous depuis une douzaine d’années ; mais l’Inde n’a guère d’écoles de dessin pour les Indiens. Malgré la faveur qui s’attache aujourd’hui à ses origines, à sa langue, à son architecture, si étonnante et si peu connue, dont quelques magnifiques photographies donnaient dans les galeries de l’histoire du travail une si haute et si grande idée, les Anglais ont à peine dans l’Inde quelque enseignement en ce genre. On tente d’attirer les Indiens dans les cours d’écoles dirigés par des professeurs venus de la métropole ; mais cela se fait lentement. Assez souvent, trop souvent, les dessins d’étoffes sont envoyés d’Europe, de France, d’Angleterre, pour être exécutés par les ouvriers indigènes. Quand il n’en est pas ainsi, l’ouvrier indien est livré à lui-même, à sa propre inspiration, à la tradition qui s’est transmise de père en fils pendant tant de générations.

Dans les États-Unis d’Amérique, il ne s’agit pas plus de faire de tout homme un artiste en lui enseignant les élémens du dessin, ou en le mettant à même de les trouver par son initiative personnelle, qu’il ne s’agit de faire un savant de chacun de ces adultes ou de ces enfans qui viennent s’asseoir sur les bancs des écoles. On n’encourage pas la présomption de tous, comme on l’a dit, on règle les aptitudes, on leur permet de se développer en plaçant à la portée de chaque individu l’enseignemsnt qui lui est approprié. « Notre richesse, dit un écrivain américain, se trouve dans l’intelligence de nos populations, non dans nos mines d’or et d’argent. Nous travaillons à mettre en valeur le capital intellectuel du peuple autant en généralisant l’enseignement qu’en mettant chacun en état de l’approprier à ses facultés. » Il semble à la vérité que la grande préoccupation de l’Amérique en fait d’éducation soit d’abord l’enseignement pour tous. L’enseignement supérieur ne vient qu’après. On sait peu de chose dans notre pays sur la manière dont se pratique l’enseignement du dessin dans les États-Unis. Des cours d’adultes sont ouverts à New-York et dans les principales villes ; mais quelles sont les méthodes employées, quel est le mérite des professeurs, voilà ce qu’il est difficile d’établir par raisons démonstratives. Les chiffres et les statistiques nous manquent. Notre vieux monde, qui se croit supérieur, et qui l’est resté jusqu’ici au point de vue de l’art, est peu curieux de tout ce qui touche le nouveau. On ne croit pas chez nous avoir quelque chose à apprendre de ces pionniers de l’avenir, et plusieurs d’entre nous ne parviendront jamais à s’imaginer que le rude yankee soit capable de se faire un art à lui. Il en est m « me que ce mot d’art américain fait sourire. Pour qui voulait, au milieu de cette grande disette de renseignemens, avoir