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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/1023

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hême, il se trouve en face d’une agitation nationale croissante, allant jusqu’à la sédition, qu’il croit devoir réprimer aujourd’hui en plaçant la ville de Prague et ses environs sous un régime exceptionnel. S’il se tourne vers le Tyrol, c’est une autre difficulté : il rencontre la résistance de la diète à ses lois libérales sur l’enseignement, et il est obligé de dissoudre la diète tyrolienne. S’il se tourne vers la Galicie, il est en présence des réclamations polonaises, dont l’expression a eu pour effet de suspendre le voyage de l’empereur en provoquant tout à la fois la démission du prince Auersperg, chef du cabinet cisleithanien, et la retraite du comte Goluchowski, lieutenant impérial à Lemberg.

Cette affaire de la Galicie est d’autant plus caractéristique qu’elle ne laisse voir réellement aucun sentiment prononcé d’hostilité de la part des Polonais contre l’Autriche. Un député à la diète de Lemberg, M. Smolka, avait pris l’initiative d’une motion qui ne tendait à rien moins qu’à une rupture avec Vienne par la suspension du mandat confié aux délégués polonais dans le Reichsrath. Cette motion était prudemment écartée ; on voulait se donner le temps d’y réfléchir, et on chargeait une commission de préparer un rapport sur ce qu’il y avait à faire. Sur ces entrefaites apparaissait un projet d’adresse où l’auteur, M. Ziemialkowski, ennuierait les griefs, les réclamations de la Galicie, et auquel se ralliait la diète. C’était justement l’époque où l’empereur François-Joseph était prêt à partir pour Lemberg. L’impératrice était, dit-on, très favorable à ce voyage ; elle se flattait de gagner les Polonais comme elle a gagné les Hongrois. Les habitans de la Galicie de leur côté faisaient de splendides apprêts pour recevoir le couple impérial. Que s’est-il passé au dernier moment ? Le gouvernement autrichien croyait peut-être dangereux de paraître accueillir les prétentions exposées dans l’adresse que la diète de Lemberg devait remettre à l’empereur ; il avait peut-être aussi un regard tourné vers Varsovie, où se trouvait l’empereur Alexandre de Russie, et il se disait que l’explosion du sentiment polonais pouvait ressembler à une bravade. Toujours est-il que le voyage de l’empereur était subitement suspendu, que le chef du cabinet cisleithanien, le prince Charles Auersperg, donnait immédiatement sa démission, que le lieutenant impérial à Lemberg, le comte Goluchowski, se retirait à son tour, et que les Galiciens sont restés avec leurs préparatifs. La difliclilté est aujourd’hui de sortir de ce défilé, de refaire un cabinet à Vienne, et le danger serait de laisser de nouveau s’aigrir les relations entre l’Autriche, s’armant de répressions inattendues, et la Galicie, persistant dans sa résistance pacifique, continuant à revendiquer une autonomie que le comte Goluchowski lui-même réclame pour elle dans un discours qu’il vient de prononcer à Lemberg. La situation du gouvernement autrichien n’est point sans gravité, cela est facile à voir ; mais il y aurait pour l’Autriche quelque chose de plus grave encore : ce serait de s’arrêter dans la voie de libéralisme où elle est entrée, de s’énerver dans les in-