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Rien de plus net que la manière dont les principes sont établis dans chacun de ces articles, rien de plus clair, de plus directement instructif que le résumé des faits propres à servir de démonstrations et à marquer dans l’histoire des procédés ou des écoles les périodes de début, de progrès, de décadence. En général, c’est ce contrôle perpétuel de l’assertion didactique par les monumens et de la théorie par les souvenirs historiques qui donne au Dictionnaire de l’Académie des Beaux-Arts une autorité incontestable, et nous ajouterons un caractère tout particulier, les livres sur de semblables matières se réduisant d’ordinaire à une succession de formules arides, ou bien à une série d’indications chronologiques sans mélange spéculatif. Malgré son titre modeste, ce vocabulaire est donc en réalité un recueil de traités sur toutes les questions intéressant l’enseignement, la pratique ou l’histoire des beaux-arts. La place qu’on y a faite aux noms d’hommes ou de lieux célèbres, aussi bien qu’à certains mots exprimant une inclination de l’esprit ou un état de l’âme, achève de diversifier les élémens de l’ouvrage et d’en étendre la signification.

Qu’il nous soit permis néanmoins de présenter quelques observations à ce sujet. Puisqu’en principe on croyait devoir inscrire parmi les cinq cents mots environ qui forment la matière des deux premiers volumes ceux qui dépeignent seulement une habitude ou une impression morale, nous ne comprenons pas bien pourquoi quelques-uns ont été admis et quelques autres rejetés. Si, par exemple, on jugeait bon d’envisager au point de vue pittoresque l’abattement et d’en définir les effets par l’image d’une figure peinte à Herculanum, d’où vient qu’on se soit abstenu d’études et d’explications semblables dans plus d’un cas tout aussi urgent, tout aussi légitime en apparence ? « Cet affaiblissement, soit physique, soit moral, qu’on nomme abattement, ne doit pas, suivant les auteurs de ce dictionnaire, être exclu du vaste répertoire de l’artiste poète ou philosophe. » Soit ; mais l’artiste n’a pas moins affaire, en ce qui concerne ses travaux, des signes extérieurs de l’attention, de l’admiration, de l’attendrissement, de l’angoisse, de telle autre émotion, douce ou violente, dont le Dictionnaire de l’Académie des Beaux-Arts pourtant ne dit mot. Ce silence tient-il à l’absence de monumens traduisant à souhait ces diverses affections de l’âme humaine ? Rien de plus facile, chacun le sait, que de trouver à cet égard dans les œuvres des maîtres italiens ou français des types aussi expressifs que le type fourni par la peinture antique pour personnifier l’abattement. La véritable raison probablement est qu’on aura craint d’élargir outre mesure le cadre de l’ouvrage et de se trouver entraîné peu à peu à y introduire presque tous les mots appartenant au langage philosophique ou littéraire.

Ne serait-il pas préférable dès lors, ne serait-il pas à la fois plus judicieux et plus sûr de renoncer en ceci même à l’essai d’un choix, et de procéder en matière de peinture et de sculpture comme on a pris le