Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
FRANCE ET LA PRUSSE
RESPONSABLES
DEVANT L'EUROPE


I

Un fait étrange et pourtant naturel est le caractère dominant de notre situation politique. Au milieu d’une profonde tranquillité matérielle, une inquiétude obstinée possède les esprits et suspend les affaires. Aurons-nous la paix ou la guerre ? Les imaginations et les conversations tournent sans relâche autour de cette question. Les intérêts et les travaux languissent et souffrent, attendant avec impatience qu’elle soit résolue.

Ce n’est pas la faute du langage des gouvernemens, du nôtre autant au moins que des gouvernemens étrangers, si elle reste ainsi posée. Les assurances pacifiques n’ont jamais été plus positives, plus répétées. Évidemment le pouvoir s’inquiète de l’inquiétude publique et voudrait la dissiper. Lui aussi il a des intérêts qui en Souffrent ; après tant de secousses, le pouvoir ne saurait se passer longtemps de la sécurité et de la prospérité du pays.

Le langage pacifique que tient parmi nous le pouvoir ne serait-il qu’une tactique prudente, un moyen de gagner du temps jusqu’à ce qu’il soit prêt pour la guerre, ou qu’un motif plausible et une occasion favorable se présentent à lui pour y entrer ? Il n’est pas interdit aux plus puissans gouvernemens de garder le silence sur