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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/265

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pour les hommes. Les trônes tentent les ambitieux. La gloire éblouit le patriotisme. Le prestige d’un nom victorieux voile l’attentat contre la souveraineté nationale. La république veut de la gloire sans doute ; mais elle la veut pour elle-même, non pour des Césars ou des Napoléons… Elle n’intentera la guerre à personne[1]. »

Certes le désaccord était immense entre de telles paroles et le chaos tumultueux au milieu duquel elles étaient lancées ; mais l’intérêt et l’instinct de la France étaient si clairs qu’au sein même de ce chaos l’esprit pacifique l’emporta sur l’effervescence révolutionnaire, et la république de 1848, qui soulevait dans les rues de Paris une si effroyable guerre civile, ne porta la guerre hors de France que pour aller à Rome défendre le pape contre la république romaine.

Trois ans à peine écoulés, la république de 1848 s’agitait et dépérissait dans son impuissance à enfanter un gouvernement. Fort de son nom et du malaise du pays, le président que la France s’était donné lui rappela l’empire. En 1852, ce mot précéda ou accompagna partout le prince Louis-Napoléon dans son voyage à travers les départemens du midi, et lorsque, à Bordeaux, le 9 octobre, le moment lui parut venu de recueillir le fruit de ce retentissement, sa première parole claire et puissante fut : « L’empire, c’est la paix. C’est la paix, car la France la désire, et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. La gloire se lègue bien à titre d’héritage, mais non la guerre. Est-ce que les princes qui s’honoraient justement d’être les petits-fils de Louis XIV ont recommencé ses luttes ? La guerre ne se fait pas par plaisir, elle se fait par nécessité, et à ces époques de transition où partout, à côté de tant d’élémens de prospérité, germent tant de causes de mort, on peut dire avec vérité : Malheur à celui qui le premier donnerait en Europe le signal d’une collision dont les conséquences seraient incalculables ! »

Depuis son avènement, l’empereur Napoléon a fait trois guerres, en Grimée, en Italie, au Mexique. Je n’ai pas le dessein d’en apprécier ici les motifs et les résultats ; je relève seulement deux faits. Ces trois guerres ont été des guerres politiques plus ou moins bien conçues et conduites, mais en tout cas entreprises pour un but et par une volonté de gouvernement, non sous la pression d’une idée ou d’une ambition nationale qui en ait imposé au pouvoir l’effort et le péril. L’empereur Napoléon a si bien senti cette situation et la responsabilité qui en résultait pour lui qu’il s’est empressé de

  1. Histoire de la Révolution de 1848, par M. Garnier-Pagès, t. III, Appendice, p. 358, 300, 361.