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terminer par de prompts traités, à Paris et à Villafranca, les deux premières de ces guerres dès que leur but politique lui a paru suffisamment, atteint, et il s’est résigné, tristement sans doute, à se décharger de la troisième quand il en a trouvé le fardeau moral et matériel trop lourd, même pour sa puissance.

Quand j’insiste sur le caractère commun de ces trois guerres comme œuvre propre du gouvernement, je n’entends point affranchir le pays lui-même et ses représentans de la part de responsabilité qui leur en revient. Malgré tout ce qui a manqué depuis vingt ans aux libertés de la France, il lui en restait assez pour saisir, si elle eût su ou voulu le faire, une influence décisive sur ses affaires, et il y a eu dans notre récente histoire politique plus d’imprévoyance et de faiblesse de la part de la nation que de ténacité oppressive de la part du pouvoir. Les guerres de Crimée et d’Italie ont été plutôt approuvées que redoutées du pays, qui a pris un patriotique plaisir à leur gloire, et s’est félicité outre mesure, à mon sens, de leur succès. La guerre du Mexique a été tolérée ou subie avec une aveugle docilité, contre le pressentiment et le blâme publics. Ce que je n’hésite point à affirmer, c’est que, dans les trois cas, ce n’est pas le pays qui, par sa conviction et sa passion propres, a provoqué son gouvernement à la guerre et lui en a fait une nécessite. Après les campagnes de Grimée, d’Italie et du Mexique, l’empereur Napoléon eût pu dire avec raison, et aux acclamations générales, comme en 1852 à Bordeaux : « La France désire la paix. »

Restauration, monarchie de 1830, république ou empire, tous les gouvernemens qui se sont succédé parmi nous depuis 1815 ont trouvé la France essentiellement pacifique. Elle a subi à cet égard toutes les épreuves possibles ; elle a été appelée tantôt à défendre ses libertés, tantôt à se défendre de l’anarchie ; elle a fait ou laissé faire des révolutions tantôt populaires, tantôt militaires ; elle a essayé et renversé ou laissé tombes les gouvernemens les plus divers ; elle a eu, pour la représenter et la diriger, des assemblées élues tantôt par le suffrage limité, tantôt par le suffrage universel. Au milieu de tant de crises violentes et discordantes, malgré les tentations qu’elles lui suscitaient et les fautes qu’elles lui faisaient commettre, la France s’est contenue chez elle, dans son territoire, dans ses propres droits nationaux ; elle n’a point cherché de conquêtes, elle n’a point fait de propagande armée ; avec plus ou moins de complication et d’hésitation, la politique pacifique a toujours prévalu sur les traditions et les fantaisies révolutionnaires ou guerrières. Elle est aujourd’hui plus que jamais la pensée et le vœu de la France ; amis ou adversaires du pouvoir, conservateurs ou