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emprunt ; ils ressemblent à ce qu’on nomme des billets de complaisance. M. Goschen n’est pas disposé à les condamner d’une façon absolue, il les tient seulement en défiance, et il invite à porter un examen attentif pour distinguer ceux qui sont créés par anticipation d’une affaire réelle de ceux qui reposent sur la fiction. Les importations et les exportations d’un pays peuvent ne pas s’effectuer aux mêmes époques ; la récolte de la Russie succède à des achats faits au dehors pendant la majeure partie de l’année, et dont le paiement se trouve retardé. Avant que les effets ne puissent être tirés, en donnant aux cargaisons de blé une forme facilement négociable, l’échéance des dettes contractées arrive ; il faudrait donc expédier de l’or pour les payer, sauf à recevoir ce même or en retour des grains livrés plus tard. Pour éviter la gêne et les frais d’un double transport de numéraire, les banquiers russes tirent sur l’étranger à un moment où ils ne pourraient trouver aucune lettre de change qui fût le résultat d’une vente réelle, et ils compensent ces effets créés à découvert en achetant les titres réguliers qui servent au paiement des denrées embarquées dans l’intervalle. C’est comme un pont jeté entre deux opérations régulières. Il faut, comme pour toute construction aérienne, surveiller cet édifice d’un œil attentif et soupçonneux ; il est sans cesse exposé à être emporté par une bourrasque financière, surtout lorsqu’à côté du service qu’il est appelé à rendre vient se glisser une spéculation peu scrupuleuse sur le choix des moyens destinés à procurer l’usage temporaire du capital. On arrive par la pratique commerciale à acquérir un tact qui permet de ne pas confondre l’instrument délicat, mais utile dans certaines circonstances, avec l’instrument périlleux et fictif d’une opération qui ne repose sur aucune base sérieuse et qui se résout en un emprunt déguisé et dépourvu de toute garantie. C’est dans cet examen que se révèle l’habileté du banquier, qui doit distinguer l’opération légitime de la supposition frauduleuse.


II

Qu’est-ce qui détermine le cours du change, et comment ce cours peut-il aider à la solution des questions les plus délicates qui s’élèvent sur le marché financier et monétaire ? Voilà ce qui nous reste à étudier. Nous avons déjà indiqué comment la masse relative des engagemens influe sur le prix des effets de commerce, la limite de la prime à payer ou de la perte à subir étant posée par le montant des frais de toute nature qui accompagnent le transport d’une pareille somme de monnaie. Celle-ci constitue le régulateur du marché universel. Non-seulement elle forme l’équivalent de tous les