si nombreux et si inattendus, les personnages s’agitent dans une mêlée si confuse à travers les formes changeantes du gouvernement, que la procédure régulière de l’histoire devient absolument insuffisante. Pour découvrir la raison des événemens et les ressorts qui ont fait agir et parler les hommes dans les circonstances les plus mémorables, il faut consulter les correspondances privées, les révélations personnelles, et demander aux papiers de famille ce que les archives publiques ne contiennent pas. Chaque jour nous amène de ces publications posthumes qui répandent de nouvelles lumières sur l’histoire de la révolution et de l’empire. Il n’est point nécessaire que l’auteur ait joué un rôle prépondérant ; il suffit qu’il ait vu de près les hommes et les choses, et qu’il soit sincère. Parmi ces témoins, Frochot mérite d’être écouté. Député à l’assemblée constituante et ami intime de Mirabeau, il assista de près aux débuts et aux rapides progrès de la révolution. De retour dans son département (celui de la Côte-d’Or), il eut à observer et à subir tous les périls de la terreur. Enfin, préfet de la Seine sous le consulat et pendant la plus grande partie de l’empire, il se consacra tout entier, sous l’œil du maître, à un immense travail de réorganisation administrative dont la trace n’est point effacée. Mêlé à toutes les vicissitudes de la politique, en contact avec les chefs de la révolution, puis avec l’empereur, Frochot se trouvait dans les meilleures conditions pour juger les événemens et pour en rendre compte. Il n’a point écrit de mémoires, mais il a laissé de nombreuses notes au moyen desquelles M. Louis Passy, s’inspirant d’une affection et d’un devoir de famille, a pu composer sa biographie. Nous y trouvons des détails inédits sur Mirabeau, un récit de la terreur en province, et un exposé du régime administratif auquel fut soumise la ville de Paris après le consulat. Nous y voyons également quels étaient le rôle et l’attitude d’un haut fonctionnaire sous le premier empire. Cette biographie n’est donc pas sans intérêt ; elle se rattache à l’une des périodes les plus instructives de notre histoire, et elle nous transmet les impressions et les sentimens de la génération politique qui a vécu de 1789 à 1815.
I
Né à Dijon en 1761, Frochot, après avoir terminé ses études de droit, se maria et alla se fixer à Aignay-le-Duc, où il acheta en 1785 les charges de prévôt royal et de notaire. Le mouvement de 1789 le trouva dans ces deux fonctions, et ce fut en qualité de prévôt royal qu’il présida le 13 mars 1789 l’assemblée de la communauté d’Aignay-le-Duc dans laquelle devaient être désignés les