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électeurs du bailliage chargés de prendre part à la nomination des députés aux états-généraux. Élu par acclamation député du bourg d’Aignay-le-Duc, c’est encore lui qui conduit les délibérations de l’assemblée du bailliage et qui dresse les cahiers dans lesquels le tiers-état demande « le retour périodique des états-généraux, le vote par tête et non par ordre, le consentement indispensable de ces mêmes états à tout impôt et à toute mesure de finance, la responsabilité des ministres et partant l’irresponsabilité du roi, l’abolition des lettres de cachet, la liberté de la presse, l’inviolabilité du droit de propriété, la rédaction d’un code civil, criminel et commercial, l’égalité de la justice, l’abolition des justices seigneuriales et des tribunaux d’exception, la suppression des corvées et de certains droits féodaux. » Frochot fut nommé à l’unanimité député aux états-généraux. Le second député du tiers, professant les mêmes principes, obtint une forte majorité. Ces deux candidats avaient triomphé très aisément de ceux qui avaient l’appui du bailli et du lieutenant-général du bailliage, c’est-à-dire qu’ils l’avaient emporté sur les candidats officiels. Les députés élus représentaient l’opposition libérale. Royalistes déclarés, ils demandaient avant tout l’égalité devant la loi. La bourgeoisie ne réclamait alors rien de plus. Elle voulait des réformes sans recourir à la révolution. Elle ne songeait pas à la démocratie, qui se tenait derrière elle et dont la voix demeurait encore étouffée. Les choses se passèrent ainsi dans presque toute la France pour les élections du tiers-état. Si Louis XVI et ses ministres, effrayés de la détresse générale, adressaient un sincère appel à la nation, les autorités provinciales et les fonctionnaires locaux, témoins de l’effervescence que provoquait ce premier éveil de la liberté politique, tentaient d’enrayer le mouvement en accordant leur patronage à des candidats que leur intérêt devait rattacher au parti de l’ancien régime. La bourgeoisie résista d’instinct à cette pression qui peu d’années plus tôt, alors que la mesure n’était pas encore comble et que le malaise de la nation était moins profond, aurait sans doute produit une composition toute différente des états-généraux ; mais, en secouant le joug des autorités provinciales et en repoussant les candidatures officielles, qui ne lui offraient que des représentans timides et très effacés, la bourgeoisie était loin de prévoir et de désirer la révolution qui allait sortir de ses votes. Elle entendait simplement que ses vœux et ses doléances fussent portés au pied du trône avec les sentimens de respect et de fidélité qu’elle gardait au régime monarchique ; elle était conservatrice autant que libérale, on peut même dire que son libéralisme avait pour objet l’affermissement de la royauté. Il convient de bien marquer ce point de départ ; si l’esprit de réforme, à peine en mouvement, s’emporta