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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/530

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mêmes idées et parfois jusqu’aux mêmes expressions dans un document bien autrement célèbre, dans la prodigieuse circulaire de M. de Lavalette sur la nécessité des grandes agglomérations et l’inutilité des petits états. En vérité, pour composer sa dépêche mémorable du 16 septembre 1866, le ministre intérimaire à l’hôtel du quai d’Orsay n’a eu qu’à se rappeler et à condenser certaines brochures de l’année précédente : il ne devait y ajouter qu’un seul trait parfaitement nouveau et original, savoir : qu’à la suite d’une révolution, si heureusement accomplie dans l’équilibre européen et tout au profit de la civilisation et du droit moderne, la France éprouvait le besoin de perfectionner ses engins de guerre et de s’armer jusqu’aux dents... N’insistons pas toutefois, et revenons à l’objet principal de notre investigation ; constatons que ni l’un ni l’autre des écrits qui nous occupent ici ne fait entrevoir, n’insinue même une compensation quelconque pour la France à la suite des agrandissemens projetés de l’Italie et de la Prusse : le programme de la démocratie impériale répudie très expressément même toute pensée au sujet du Rhin ; l’un et l’autre de ces écrits se bornent à promettre au cabinet des Tuileries un beau billet de La Châtre, — l’entente future entre Paris, Florence et Berlin « pour la solution des grands problèmes européens, » ou, comme s’exprime M. de Goltz, « pour le triomphe de la cause de la liberté et de la civilisation en Europe. » Ceci semble apporter un appui considérable à l’opinion courante et constante de l’autre côté du Rhin sur la nature des pourparlers qui eurent lieu à Biarritz, — et c’est là, en effet la conclusion à laquelle s’arrêtera nécessairement tout esprit réfléchi et impartial qui voudra se rendre compte de ces événemens extraordinaires, aussi ténébreux dans leur origine qu’éclatans et formidables dans leurs conséquences.

Allons au fond des choses, et ne craignons pas de dire le mot même de la politique française dans les affaires d’Allemagne, tel du moins qu’il ressort pour nous de l’ensemble des circonstances et de la logique inexorable des faits. Ce mot, ce n’est pas, bien entendu, la brochure de M. de Goltz qui va nous le donner; nous ne le trouverons pas non plus en son entier dans le pendant de la brochure prussienne, dans le programme tracé par le démocrate autoritaire. Sorti d’un groupe à coup sûr très influent, ce programme n’exprimait pourtant après tout que l’opinion d’hommes à une seule pensée, à une passion unique (unius libri), qui visaient avant tout à la chute de l’empire abhorré des Habsbourg, ce boulevard de la réaction, de la légitimité et du pouvoir temporel. En dehors de ces hommes, à côté et au-dessus d’eux, il y avait dans le gouvernement français des esprits plus calmes, plus circonspects, qui, sans