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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/618

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l’avons dit, leur donner satisfaction en autorisant toutes les réunions publiques qui n’ont point pour objet de traiter de matières politiques et religieuses. Elle laisse bien encore subsister quelques difficultés; elle demande un local clos et couvert, ce qui peut gêner souvent les réunions. Enfin il y a l’article 13 de la loi, par lequel les préfets peuvent ajourner et le ministre de l’intérieur interdire toute réunion qui leur paraîtrait de nature à troubler l’ordre ou à compromettre la sécurité publique; mais les résultats obtenus n’en ont pas moins leur importance, et nous pouvons voir maintenant fonctionner dans des conditions normales le mécanisme des coalitions et des grèves.

Les délégués sont à peu près unanimes pour demander un remaniement de la législation sur les conseils de prud’hommes. L’institution de ces conseils a pour but de terminer par voie de conciliation les différends qui s’élèvent journellement entre les patrons et les ouvriers; mais la division des chambres, faite depuis une vingtaine d’années[1], ne répond plus à l’état de l’industrie. Il en résulte que la juridiction n’est plus assez spéciale; un joaillier court le risque d’être jugé par un maréchal ferrant, un maçon par un imprimeur. Rien de plus aisé que de satisfaire les délégués sur ce point, et ce sera fait sans doute dans un court délai. Ils demandent encore que des jetons de présence constituant une rémunération équitable soient alloués à tous les prud’hommes, patrons et ouvriers, de façon que ceux-ci soient indemnisés des pertes de salaire qui résultent pour eux de leur présence au conseil. Rien de plus juste, et il n’y a point là de difficulté. Les délégués critiquent aussi le mode suivant lequel se font les élections des prud’hommes : les électeurs sont obligés d’aller déposer leurs bulletins à leurs mairies respectives. Par cette dissémination des votes, les ouvriers d’un même corps de métier perdent l’occasion de se concerter sur les candidats à élire, et cet état de choses amène une grande négligence dans l’exercice du droit de nommer les prud’hommes. On demande que pour chaque profession il y ait un bureau de vote unique, afin que les électeurs aient en s’y rendant une occasion naturelle de se voir et de s’entendre. C’est encore là un point qui se réglera sans peine. Voici toutefois qui est plus grave. Un certain nombre de délégués demandent que le gouvernement renonce au droit de désigner les présidens et vice-présidens des conseils. Ils font remarquer que l’équilibre entre patrons et ouvriers, qui doit être la base de l’institution des prud’hommes, se trouve rompu par

  1. A Paris, le plus ancien conseil de prud’hommes, celui des métaux, a été établi en 1844; les trois autres datent de 1848.