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naissin après que celui-ci eut été cédé au pape ; d’autres veulent que des gentilhommes français qui avaient longtemps résidé à Naples l’aient importée dans le Dauphiné. Louis XI fit tous ses efforts pour développer cette fabrication, et attira en France des ouvriers italiens. Ce fut sous son règne que les premières fabriques d’étoffe de soie s’élevèrent en Touraine et à Lyon. Après ce roi vraiment administrateur, on recommence à demander à l’étranger les beaux tissus, et les progrès de la sériciculture s’arrêtent. Henri IV et Olivier de Serres ont eu le mérite de l’implanter définitivement parmi nous. Chose singulière, cette magnifique industrie rencontra un adversaire dans Sully. Il trouvait que les encouragemens qu’on lui prodiguait coûtaient trop cher. Henri IV ne fut pas de son avis. Il fit venir d’Italie 15,000 pieds de mûriers afin de les distribuer aux éleveurs, surtout dans le midi ; il fonda une magnanerie royale dans le parc des Tournelles, et essaya même de faire réussir le mûrier dans les bois de Fontainebleau. C’étaient là pour l’industrie séricicole française des marques de sollicitude plus flatteuses qu’effectives. Elles eurent du moins pour résultat d’attirer l’attention du public sur ce qu’il y avait à tenter dans cette voie et d’exciter l’émulation des éleveurs. Le Languedoc, les Cévennes, la Provence, la Touraine, devinrent rapidement des pays producteurs de soie. Henri IV prit alors une mesure qu’il crut propre à donner à l’industrie naissante un grand et subit essor : il interdit l’importation des tissus de soie. C’était trop protéger les fabriques françaises. Elles ne pouvaient encore alimenter seules notre marché, et on dut rapporter l’année suivante cette prohibition. Après avoir un peu langui sous Louis XIII, la production de la soie reçut de Colbert une de ces impulsions vigoureuses que ce laborieux et énergique administrateur sut imprimer à plusieurs de nos grandes fabrications. Cette période de prospérité devait être courte. La révocation de l’édit de Nantes vint ruiner complètement les magnaneries et les fabriques d’étoffes de soie. Les protestans tenaient la tête dans cette branche du travail comme dans la plupart des autres occupations commerciales et manufacturières. Forcés de fuir devant la plus inique et la plus farouche des persécutions, ils portèrent à l’étranger non-seulement leurs connaissances acquises, mais mieux que cela, leur force d’âme, leur persévérance, leur intelligence aiguisée par l’habitude de l’examen, les viriles qualités qui devaient assurer sur un autre théâtre une réussite presque infaillible à ces groupes misérables et proscrits. Non-seulement il ne resta derrière eux dans les Cévennes que des vestiges des établissemens qu’ils y avaient fondés, mais encore ces magnaneries disparues furent en peu de temps remplacées par des magnaneries