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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/705

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L’unité de ce qu’on nomme les forces physiques est le point sur lequel tous les savans ont aujourd’hui les yeux fixés. Par là toutefois il ne faut pas entendre que le physicien puisse observer directement la substance, puisqu’elle est inaccessible à l’observation, et que du moment où il en parlerait il se ferait métaphysicien; mais l’observation des phénomènes conduit aux lois qui les régissent, et, si ces lois viennent un jour à être reconnues pour des expressions d’une même loi, l’unité des agens et des modes de production des phénomènes supposera naturellement l’unité du fond sur lequel ils se dessinent. Ainsi la transformation de l’aimant en électricité et de celle-ci en aimant, puis l’unité de la loi à laquelle ces deux phénomènes obéissent, ont permis de les identifier. Il en a été de même de la chaleur et de la lumière d’une part, de la chaleur et de l’électricité de l’autre, de sorte qu’aujourd’hui, à travers la multiplicité d’aspects que présentent ces phénomènes, il est possible d’apercevoir non-seulement un lien qui les unit, mais une loi commune et unique. De plus, dans ces dernières années, on a pu transformer toutes ces choses en mouvement et par le mouvement les produire elles-mêmes. Or, comme deux choses qui sont réciproquement cause l’une de l’autre sont identiques, on est conduit à voir dans tous ces faits que la physique étudie de simples phénomènes du mouvement. Si cela est, ils doivent tous obéir à des lois mécaniques, et il viendra nécessairement un jour où l’on possédera la formule unique qui contiendra ces lois. Il en sortira comme corollaire l’unité de substance pour tous les phénomènes physiques.

La chimie tend aussi vers l’unité par sa théorie des équivalens. Cette conception, qui s’est beaucoup étendue dans ces dernières années, est pythagoricienne et probablement orientale. Seulement, comme ni les Orientaux ni les disciples de Pythagore n’avaient les moyens de recherche, les instrumens de précision et les procédés d’analyse que nous possédons, ils n’ont pu s’élever au-delà d’une doctrine générale et vague dont la preuve matérielle ne pouvait être donnée. La théorie moderne au contraire est née des faits et s’est développée par des expériences. C’était déjà un grand pas vers l’unité que d’avoir réduit toute la nature matérielle à une soixantaine de corps simples. Aujourd’hui l’on aperçoit entre les équivalens numériques de ces corps de telles analogies, que personne parmi les nouveaux chimistes ne conserve d’illusion sur la prétendue simplicité des élémens. Les chimistes sont dans l’attente : on espère que dans un prochain avenir quelque moyen plus parfait d’analyse ou la découverte de faits nouveaux ramènera beaucoup de ces corps à des corps plus élémentaires et moins nombreux, et la science ne s’arrêtera dans cette voie que quand elle aura atteint l’unité.