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particuliers. C’est lui qui à ce titre peut passer pour le vrai fondateur des sciences modernes. Depuis le temps où il vécut, c’est-à-dire depuis le commencement du dernier siècle, elles ont pris leur élan tour à tour; aujourd’hui elles sont arrivées au point où la recherche du principe qui doit les réunir est devenue possible.

Les mathématiques pures n’ont qu’une très faible portée philosophique, et s’accommodent de tous les systèmes. Les quantités qu’elles ont pour objet sont les diverses formes de cette possibilité d’être que les Asiatiques ont appelée mâyâ, et que Platon nommait aussi la mère, le lieu, la dualité. Or, quelle que soit la théorie métaphysique à laquelle on s’arrête, cette mâyâ est la condition inévitable de tout phénomène réel ou seulement possible; elle a donc en elle quelque chose d’absolu; c’est ce qu’avaient parfaitement compris les Indiens et Platon. De plus, comme cet élément métaphysique des choses est abstrait et ne comporte aucun mélange de réalité, l’analyse s’y applique avec une exactitude absolue qu’elle doit, non à ses méthodes, mais à la nature de son objet.

Mais si l’on songe que la différence entre Dieu et les êtres de l’univers vient de ce que Dieu n’est pas une quantité, tandis que toute chose en est une, on comprendra que toutes les sciences tendent à se résoudre dans les mathématiques. Une seule d’entre elles, la métaphysique, fait exception. Les êtres du monde en effet se composent de deux élémens, l’un réel et d’une nature absolue et permanente, l’autre relatif, variable et par conséquent de même nature que la quantité. Le premier est l’objet de la métaphysique, le second est celui des sciences de la nature. Ce qui change dans les choses sensibles ou perceptibles à la conscience forme donc une quantité, et, comme tel, peut de quelque manière être représenté par des formules abstraites. Parmi les sciences modernes, plusieurs offrent déjà le caractère mathématique à un haut degré : l’astronomie est en majeure partie composée de calculs; ces calculs sont fondés sur une formule à la fois très simple et très générale qui énonce la loi de la gravitation universelle. Dans la physique, tout ce qui se rattache à la même loi dérive de cette formule et procède par le calcul. Les phénomènes de la lumière, ceux de la chaleur et même ceux de l’électricité, du magnétisme et du son, donnent lieu à toute une vaste science qui porte le nom de physique mathématique, science qui marche toujours parallèlement à l’expérience, et qui réduit en formules les lois que l’expérience a constatées. Or, à mesure que les observations se multiplient, ces lois se rattachent de plus en plus les unes aux autres, les formules se groupent et ne sont plus que des expressions diverses d’un petit nombre de formules très générales tendant elles-mêmes vers l’unité.