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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/719

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faut pas s’étonner que ce défaut extraordinaire de l’œil ait si longtemps échappé aux observateurs : il est en effet sans cesse caché parle dualisme de l’appareil optique. Ce qui, dans le champ de la vision indirecte, est invisible à un œil est toujours aperçu par l’autre, et la mobilité extrême du regard fait sans cesse passer les objets du champ de la vue indirecte dans celui de la vue directe. Nous croyons tout voir, parce que nous pouvons tout voir.

L’opticien demande à ses instrumens de verre une qualité qui se nomme l’achromatisme. La lumière blanche se brise, se décompose dans le verre, et au lieu d’une image il se forme en réalité une infinité d’images de nuances différentes qui ne se recouvrent pas exactement et s’entourent d’une auréole irisée. Les géomètres se sont épuisés à chercher comment, en combinant des milieux de densité différente, on pourrait arriver à produire des images à bords tout à fait nets et sans franges colorées. Ce problème a occupé surtout Newton, Euler et Dollond. Ce dernier remarqua le premier que l’œil humain n’est point achromatique, et Fraunhofer réussit à y mesurer exactement la réfraction de la lumière blanche. Dans la lumière solaire, ce défaut de notre organe n’est heureusement pas très sensible; l’image qui déborde toutes les autres est l’image violette, dont l’intensité est la plus faible. Il devient très appréciable au contraire, si l’on regarde un disque blanc ou une lumière à travers des verres de couleur. Un verre bleu, par exemple, éteindra l’image bleue de l’objet considéré et fera bien voir l’image centrale rouge entourée d’une bande violette. Au soleil couchant, l’atmosphère fait office de verre bleu, de là vient que les riches teintes rouges et orangées du soir projettent en quelque sorte en tous sens des ombres violettes d’une si exquise douceur.

L’œil est-il au moins exempt de ce défaut de nos lentilles que les physiciens nomment l’aberration de sphéricité ? Expliquons ce terme. Les rayons lumineux qui tombent au centre d’une lentille se rendent à un foyer commun ; mais les rayons qui frappent la lentille à une certaine distance du centre ne peuvent passer à ce foyer, si la surface de la lentille a la forme rigoureusement sphérique : plus ils sont rapprochés des bords, plus ils s’éloignent du foyer après la réfraction; de là un certain trouble et un affaiblissement de l’image. Dans les bons instrumens d’optique, ce défaut se remarque à peine, car on emploie des lentilles assez aplaties pour que tous les rayons soient en quelque sorte centraux. L’œil n’est point sphérique, il a une courbure elliptique, et l’on a cru quelque temps que cette courbure constituait un avantage; mais c’est justement le contraire qui est vrai. Il n’y a pas d’instrument de cabinet qui soit aussi mauvais que l’œil sous ce rapport. Encore s’il était bien centré, c’est-à--